« Lorsqu’on s’adresse à des français et que l’on fait quelque chose, une musique spontanée, simple comme du rock ou de la pop, il ne faut pas qu’il y ait un filtre qui sépare le chanteur de l’auditeur »
Suite à la sortie de leur EP deux titres intitulé Le Sens des Affaires le 24 Février Les Insouciantes sont allées à la rencontre des membres de Mustang qui ont gentiment accepté de répondre à quelques questions un peu plus d’un mois avant la sortie de leur troisième album Ecran Total.
Les insouciants : D’où vous est venu votre nom de scène ?
Jean Felzine : On l’a trouvé il y a longtemps (8 ans). Au tout début du groupe on commençait à découvrir la musique américaine. Les sons de la fin des années 50, du début des années 60, et c’est à ce moment-là qu’on a commencé à donner ce nom à des guitares, même à plein d’autres trucs. Donc c’est ce mot qui évoquait la vitesse, une certaine sauvagerie qui nous faisait rêver.
Quels ont été vos différents parcours musicaux avant de créer Mustang ?
Johan Gentile : On a commencé la musique ensemble, toujours joué ensemble, et on a appris la musique ensemble. Donc on a pas de formation différente, ce qui veut dire qu’on est un groupe qui a appris à faire de la musique ensemble et qui a écouté des disques ensemble.
C’est votre premier groupe en quelque sorte ?
Johan : Plus ou moins. J’ai joué de la batterie avec un groupe mais c’est avec Mustang qu’on a sérieusement commencé la musique ensemble.
Vous avez sorti un EP de reprises (Mustang reprend) en 2012, comment vous êtes-vous arrêtés sur vos choix?
Johan : C’étaient des morceaux que l’on faisait sur scène car on s’était astreint à faire des chansons en français. On aimait faire des reprises de temps en temps donc on a décidé de reprendre des titres américains ou anglais. Et à un moment donné on s’est dit que ce serait mieux d’inclure des reprises en français étant donné qu’on chante dans cette langue. On s’est donc mis à en travailler plusieurs qu’on a joué sur scène et petit à petit on les a enregistré et on les a mis ensemble, c’est pas allé plus loin que ça. C’était histoire de graver des choses qu’on maîtrisait.
Vous avez eu la chance d’avoir pu tourner à l’étranger avec des titres en français alors même que la majorité des groupes français comme Skip The Use par exemple préfèrent écrire en anglais dans le but d’atteindre un plus large public. Pourquoi avoir fait le choix d’écrire en français?
Johan : C’est un choix par rapport à la musique qu’on aime : le rock’n roll, la country,… Les musiques américaines sont chantées en anglais pour des anglo-saxons, des gens qui comprennent les paroles. Je sais qu’il y a beaucoup de français qui chantent en anglais, je ne leur jette pas la pierre. Mais je trouve que lorsqu’on s’adresse à des français et que l’on fait quelque chose, une musique spontanée, simple comme du rock ou de la pop, il ne faut pas qu’il y ait un filtre comme ça qui sépare le chanteur de l’auditeur. Il faut qu’on comprenne ce qu’il raconte. On s’est jamais posé la question, pour nous on chantait des chansons en français pour que les gens les comprennent.
Je trouve qu’il doit y avoir une espèce de trinité dans les bons albums. Il faut qu’il y ait de l’humour, de la sensualité et un peu de tristesse.
Comment expliquez-vous votre succès à l’international comme au Japon ou dans des pays d’Amérique latine ?
Johan : Au Japon on a eu de bonnes expériences. Avec le public ça s’est bien passé, je pense que les gens étaient là pour s’amuser. On a joué dans le cadre d’un festival qui s’appelle le Fuji rock festival et les gens étaient là pour s’amuser donc peu importe la langue, il fallait vraiment qu’on se défende sur scène. Notre musique ne repose pas uniquement sur le texte et la voix car on est devenu des musiciens et on a donc du rythme à proposer. Il y a des gens qui peuvent se contenter tout simplement d’écouter la musique.
Vos texte sont assez humoristiques, ils tournent aussi bien autour de thèmes plus traditionnels comme l’amour mais également autour de sujets plus insolites comme la cuisine – Mes oignons (qui ne font pleurer que moi) – ou les jeux vidéo –Je vis des hauts -, d’où vous viennent ces idées ?
Johan : C’est fondamental, ça fait partie du rock’n roll depuis le début, quand Elvis (Presley ndlr) joue That’s All Right (Mama) ça part d’une espèce de blague. Les musiciens sont fatigués et ils se disent : « ah mais si on jouait super vite ce morceau qu’on connait? » ou quand Little Richard fait ses textes absurdes il y a une part d’humour. Je trouve qu’il doit y avoir une espèce de trinité dans les bons albums. Il faut qu’il y ait de l’humour, de la sensualité et un peu de tristesse. C’est ce qu’on retrouve dans la plupart des disques qu’on aime. Et il faut qu’il y ait de l’énergie aussi. On essaie pas de faire de l’humour à tout prix, il y a aussi des chansons qui sont très premiers degrés mais on essaie de rigoler, c’est important.
Vous essayez de ne pas vous prendre au sérieux ?
Johan : Sur un album en entier je trouve ça dommage d’utiliser un seul sentiment ou une unité de sentiments. Que ce soit la tristesse ou la joie, c’est bien de passer par différentes sensations donc l’humour en fait partie.
Le titre Ecran Total est beaucoup plus rock que le reste de l’album, est ce que ça provenait d’une volonté de partir dans différentes voies ?
Jean : Je pense qu’au contraire Je Vis des Hauts est une chanson beaucoup plus rock. Ce morceau était à la base juste un instrumental. J’avais l’idée de faire un thème de journal télé. Je cherchais des accords qui pouvaient suggérer une certaine urgence ou même la simple idée de l’information et finalement j’ai trouvé des textes dessus donc c’est devenu une chanson. On avait l’idée sur deux ou trois chansons de cet album de faire des morceaux un peu plus punk, très rapides, sans arranger trop les guitares.
Johan : C’était important de faire des morceaux rapides, de rock. Il y en avait un petit peu moins sur Tabou (2011) et on voulait que ça reste assez juvénile. C’est pour ça qu’il y a des morceaux comme Je Vis des Hauts ou Ecran Total, plus rapides. On ne voulait pas faire un truc trop pop ou mielleux.
Jean : Sur le précédent disque, il y avait des supers morceaux mais les meilleurs étaient des balades et les rapides étaient plus quelconques. Tandis que là, il y a des morceaux rapides comme Les Oiseaux Blessés ou Ecran Total qui sont des supers morceaux. Je suis assez content parce que les gens nous ont souvent dit qu’on était assez doué pour les grandes balades et le fait qu’on ait réussi à faire des bonnes chansons rapides c’est assez cool.
Les chansons que vous appréciez sont-elles celles qui vous font le plus bouger ?
Jean : Il y a les deux, comme je le disais par rapport à l’unité des sentiments, les disques que l’on préfère, que ce soit ceux de Velvet Underground ou le premier disque d’Elvis, il y a des morceaux très rapides et des balades, des chansons loves, des chansons tristes. Je n’arrive pas à imaginer un disque de Mustang qui ne soit pas comme ça, où il n’y ait pas ce relief-là.
Je ne pense pas que ça soit l’album de la maturité mais je pense que les chansons sont meilleures, que ça pourrait être encore mieux.
Vos principales influences sont centrées sur le rockabilly mais avez-vous d’autres influences ?
Jean : On a une influence majeure qui est le rock’n roll des années 50, pas uniquement le rockabilly qui est un genre plus précis. On écoute aussi beaucoup de rock allemand de la fin des années 70, de country, de soul et de musique noire.
Johan : La chanson française aussi, on a des goûts variés, comme tous les gens aujourd’hui.
Jean : Il y a une base qui est plutôt américaine entre la fin des années 50 et la fin des années 60, ça représente une grosse partie de ce que l’on écoute et de ce que l’on aime.
Vous avez pris du temps entre la sortie de votre précédent album et de celui-là, avez-vous voulu faire une pause ou plus prendre du temps pour composer ?
Jean : On n’a pas fait de pause mais on a pris beaucoup de temps pour enregistrer ce disque. On a passé beaucoup de temps à le pré produire, à chercher des sons, à élaguer les arrangements … C’est surtout ça qui a pris du temps. On a commencé à travailler sur l’album il y a un an, en février 2013, on l’a enregistré pendant l’été et maintenant il est prêt.
Johan : On avait fait deux albums et on est content du succès qu’ils ont eu, mais c’était plutôt un succès critique et là on voulait vraiment essayer de peaufiner les arrangements pour ne pas avoir de regrets. Avec les deux précédents on s’était toujours dit qu’on pouvait mieux faire, du coup on s’est dit qu’il fallait qu’on arrive à peaufiner au maximum les arrangeants.
Jean : On a été plus exigeants sur le choix des chansons, il y en avait beaucoup d’écrites, 25 à peu près et on a vraiment cherché à avoir les meilleures. Je pense que celui-ci est le meilleur.
Est ce l’album dont vous êtes le plus fiers ?
Jean : On peut être fier des trois. On est un vrai groupe de rock dans le sens où on fait tout nous-même, même parfois des arrangements un petit peu ambitieux ! Je ne pense pas que ça soit l’album de la maturité mais je pense que les chansons sont meilleures, que ça pourrait être encore mieux. Mais dans le son, dans le style, c’est une espèce d’aboutissement de ce qu’on a fait sur les deux précédents, une sorte de trilogie.
Johan : C’est un mélange.
Jean : Oui, un peu, si l’on veut. Un mélange de trucs un peu 50’s, 60’s avec des machines, des sons modernes et des paroles en français qui parlent vraiment du monde d’aujourd’hui.
Pensez-vous que vous avez permis le retour de groupes à synthés comme La Femme que l’on a vu récemment aux victoires de la musique ?
Johan : Je sais que La Femme aiment bien notre chanson Anne-Sophie. On les adore et on a souvent tourné avec eux, c’est des copains. On est tous super contents pour eux. On n’est pas un groupe à synthé et pour nous c’est un petit peu secondaire. Il y avait des synthés sur notre premier disque, il y en avait un peu sur le deuxième et on en retrouve sur le troisième.
Jean : On ne fait pas de la « synthpop ».
Johan : C’est superficiel de dire que l’on fait de la pop avec des synthés. Pour nous ça fait partie d’un arrangement, mais il faut voir ça comme un tout. On a essayé de faire un disque où on se poserait pas la question de ce genre de chose. On nous a souvent dit qu’on était un groupe de rockabilly à nos débuts et on ne veut pas non plus qu’on dise qu’on est un groupe à synthés, on est un peu tout ça et c’est ce qu’on a essayé. Le but avec ce disque c’était de faire quelque chose de claire et qu’on ne se pose pas la question.
Jean : C’est vrai qu’il y a eu cette nouvelle vague de groupes.
Avec Lescop par exemple.
Jean : Oui, Lescop qui sera sur scène avec nous, invité pour faire un duo sur La Forêt (titre repris par Mustang). On va le faire ensemble à la Machine du Moulin Rouge pour la sortie de l’album et le gros concert qu’on va faire là-bas.
Johan : Je pense qu’il y a une envie spontanée. On a peut être été les premiers de notre génération à sortir des chansons en français, pop, avec des synthés et des paroles pop, pas de poésie. Mais je pense que c’était dans l’air, plein de gens y ont pensé au même moment et il y avait peut-être un besoin. Je ne pense pas que l’on ait participé à ça, sinon on aurait vendu plus de disques (rires).
Ecran Total sera disponible à la vente dès le 31 Mars 2014. En attendant vous pouvez toujours vous procurez l’EP Le Sens Des Affaires comportant le titre éponyme ainsi que le single Ecran Total. Mustang présentera son troisième album le 21 mars à La Ferme d’en Haut (Villeneuve D’Ascq) et se produira également le 3 avril à La Machine Du Moulin Rouge (Paris).