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"Ma référence c’est vraiment ces mecs qui sont un peu dans la merde, dans la banlieue grise et noire, qui ont un truc super dark et glauque et qui arrivent à faire un truc magnifique et un peu fragile."

Dans le cadre de la 50e édition du Paris Is Burning c’est Mademoiselle K qui est venue jouer le 12 juillet 2014 au Lexington. Au coeur de la nuit londonienne, nous avons profité de cette venue pour la rencontrer et discuter de son quatrième album à venir. 

Les Insouciants : Pour ton quatrième album studio, tu as fais le choix de t'exprimer en anglais. Cependant, ce n'est pas la première fois que tu écris dans cette langue puisque l'on pouvait trouver In English dans les bonus de Ça Me Vexe. Si ce texte se moquait à l'époque des français qui écrivaient des morceaux sur "rien", aujourd'hui, tu es tout de même la preuve qu'il est encore possible de véhiculer des messages par le biais de l'anglais.

Mademoiselle K : Ouais, c’était une blague In English ! En fait, j’ai fais ce choix parce que j’avais rien à dire ! (rires)

Non, si j’ai fais ce choix, c’est parce que j’avais vraiment une « ENVIE DE CHANGEMENT ». C’est con, mais c’est la meilleure explication que je puisse donner parce que ça fait vraiment un changement dans la manière de faire. Une autre langue ça chamboule beaucoup de choses et ça fait appel à la création d’un nouveau monde. C’est à dire que ta pensée passe non plus par ta langue maternelle – sachant que j’en avais deux, le français et le polonais -, ce qui est déjà pas mal, mais par une autre langue qui n’est pas la tienne avec toujours pour but de faire passer tes émotions les plus primitives comme en français. C’est vraiment un changement. Un vrai kiffe de se mettre en danger en sortant de la zone de confort qui est le français.

Pourquoi ne pas avoir fait le choix d'écrire en polonais alors par exemple ?

C’est sympa le polonais mais j’aime mieux l’anglais. (rires)

Je voulais vraiment ce que je connaissais pas. J’aime beaucoup l’espagnol effectivement aussi, mais je le maîtrise moins que l’anglais.

Le fait de passer à l'indépendance t'as permis non seulement d'avoir la main sur ton album, mais également sur l'esthétique puisque tu as pu réaliser ton premier clip avec Glory.

Le visuel je l’ai toujours géré moi-même. Même en maison de disques. Et globalement, c’est quand même à toi de le gérer en major pour savoir où tu vas. Puisque si la major t’aide et te donne les moyens pour ça, c’est quand même bien de savoir ce dont tu as envie et où tu vas.

Le fait de le faire en indé, c’est aussi lié au fait que je passe à l’anglais. La maison de disque m’a dit « si tu fais pas au moins la moitié de ton album ou les 3/4 en français, nous ça nous intéresse pas. On pense à ton public« , etc. Donc concrètement, j’ai monté ma boite. Je le fais effectivement en indé et j’ai signé une distribution avec Believe. Ils font pas mal de groupes. C’est la grosse tendance actuelle, donc je suis une artiste tendance !

En parlant de maisons de disques, tu abordais déjà la difficulté à entrer dans l'une d'entre elle avec Ça Me Vexe. Et aujourd'hui, Glory s'impose en disant que tu t'en fous qu'ils te rient au nez, non ?

C’est pas faux ! Il y a des cycles comme ça qui reviennent. C’est vrai qu’il y a un truc. Glory, c’est un peu plus global. C’est sur la gloire, tout ça. Mais c’est vrai qu’il y a un truc un peu comme ça, ouais !

Quant à ton public, on a pu voir sur la pré-tournée et encore ce soir que malgré tout, tes fans continuent à te suivre. Comment vis-tu cela ? Est-ce une motivation pour continuer à te battre contre ceux qui ont voulu te mettre des bâtons dans les roues ?

En fait, ce qui est marrant, c’est que je pense qu’il y a d’abord eu un premier discours de quelques personnes qui ont dit : « Alors ça y est, tu veux t’exporter dans le monde entier ? Tu veux faire du business. » Et quand ils ont entendu que je m’étais faite virée de ma maison de disques parce que je chantais en anglais, il se sont dit : « Ah ouais, la meuf elle a persisté. Elle s’est fait virée, et maintenant, elle est à la rue parce qu’elle a voulu faire son truc en anglais. » Quelque part, il y a une espèce de double mouvement. D’abord, c’était « ah ouais, d’accord, tu nous lâche… Putain c’est notre langue…« . Et ça continue encore. Je comprends tout à fait, parce qu’ils y en a qui me disent aussi qu’ils comprennent plus ce que je dis et qui doivent faire un effort. Mais tout le monde doit faire des efforts dans la vie ! (rires) Mais je comprends qu’on ait pas envie de faire des efforts quand on écoute de la musique.

Je pense aussi que j’ai tout à fait conscience de ce qu’est l’habitude par rapport à quelqu’un. Par exemple, c’est vraiment avec quelqu’un que t’aimes hein ! T’es avec quelqu’un, t’as l’habitude de cette personne, et finalement, tu la regardes plus. T’as l’habitude de la voir, tu vois une représentation de cette personne, mais c’est pas sûr que tu regardes. Est-ce que t’aimes cette personne là ? Est-ce qu’elle est toujours ce que j’ai aimé quand je l’ai rencontré à un moment ? Ou est-ce que cette personne là est toujours l’image de celle que j’ai aimé il y a 5 ans mais l’image est restée… Bon, elle sort des albums, c’est cool. J’aime ce qu’elle fait, mais est-ce que ça me secoue ? Je prends pas les gens pour des cons, mais j’ai conscience aussi de la puissance de ce qu’est l’habitude pour eux : une meuf qui chante en français. Je suis toujours une meuf qui fait du rock, même si là, je le fais en anglais.

Pourtant, si on s'intéresse de plus près aux paroles, tes textes racontent toujours quelque chose !

Mon propos est toujours aussi arraché… sur le bord du truc. J’ai vraiment creusé et je raconte encore des choses pas possibles dans cet album. Après, c’est un album personnel. Ils le sont tous de toute manière. Il est pas plus personnel que les autres, mais par exemple, moi, ça m’a vraiment forcé à me ramener à : qu’est-ce que je dois raconter ? En tant qu’artiste, qu’est-ce que je recherche quand je vais voir ou écoute un musicien ? Quand je lis de la poésie, ou quand je vais voir un film ? Qu’est-ce que je veux voir et veux dire ?

L’anglais ça m’a ramené à cet essentiel, parce qu’à Londres justement, quand on m’a demandé ce que je faisais comme musique, je disais « Ba… je fais du rock« . Et en fait, j’ai réalisé que si demain ils viennent à mon concert, que je veux me présenter, je vais pas faire des morceaux avec un piano ! Non, je me suis dit que je voulais ça et ça, et qu’il fallait qu’il y ait de l’énergie.

C’est le moment d’une remise en question un peu. Je me suis dit, qu’est-ce que je vais raconter et comment je vais le faire comme l’anglais n’est pas ma langue principale. J’avais intérêt à raconter des putains de trucs parce que les formules, les machins, les jeux de mots,… Déjà en français, je fais un peu des jeux de mots, mais je pas pas mon temps à le faire. J’aime bien qu’il y ait un sens. Mon truc, c’est pas spécialement de faire tout le temps comme ça avec les mots, ça reste quand même d’aller à l’essentiel. Mais c’est vrai que l’anglais ça pardonne encore moins parce que je le maîtrise moins. Il faut que ce que je raconte et l’image que je mets dedans, ça le fasse tout de suite.

Photographie de Mademoiselle K, nue pour la pochette de son album "Hungry, Dirty, Baby" (2015)

Tout comme tu as pu partager ton titre Me Taire te Plaire avec Zazie, d'autres collaborations sont-elles prévisibles dans le futur ?

Ouais ! Maintenant, je pense qu’il faut vraiment rencontre la personne, ce qui a été le cas avec Zazie. Là, c’était particulier parce que j’avais déjà composé le morceau. Si j’ai à le faire de nouveau, j’ai vraiment envie d’un truc co-écrit. Un espèce de truc imbriqué, comme ça, avec une alchimie.

Dans le cadre de ta pré-tournée, on a pu entendre de nouveaux titres. Est-ce que le fait de pouvoir les présenter à ton public en live te permet de savoir lesquels tu vas garder ou jeter, voire d'en écrire de nouveaux sur la route ?

C’est exactement ce qui s’est passé ce soir ! On en a déjà jeté et on en a fait deux nouveaux ! (rires) Et c’est marrant, parce qu’on les a mieux joué que d’autres qu’on a joué sur la pré-tournée tellement on était émus ! C’était vraiment bizarre ! (rires)

On s’est foutu la pression et c’était vraiment un moment de vérité pour moi, parce que même si j’ai bien compris que les 3/4 de la salle était française, je me suis dit qu’en venant à Londres, c’est un truc concret qui se passe. Parce que là, tes chansons, il y a des personnes qui vont les comprendre. C’est ce qui est important, et c’est ce que je voulais.

Ça fait plus d’un an que je veux ça. Que je me suis vachement préparée. Que j’ai travaillé plein de trucs comme les accents et plein de choses. Bien sûr, la grammaire des chansons, le vocabulaire, c’est évident. Mais l’accent, c’est encore une autre chose, et c’est un monde incroyable sonore. Rien qu’en Angleterre, de 50 kilomètres en 50 kilomètres, c’est impressionnant parce que j’ai l’impression que c’est beaucoup plus puissant au niveau de la diversité des accents par rapport à la France où on a en gros : l’accent du sud, du sud-ouest, de Marseille et l’accent du nord. Von, on a quand même des accents, mais ici, c’est comme quand tu vas dans un truc que tu connais pas, tout te marque ! Genre, lui il est quoi, Irlandais ? Ah non, il vient du nord de Londres, de Manchester, de Liverpool… Voilà…

Comment se passe ton processus de création ?

Je me casse à l’étranger ! (rires) Non… J’aimais bien me casser déjà, mais sur cet album là, ça a été assez impressionnant. Je suis beaucoup partie. J’ai besoin de me paumer et volontairement errer dans les rues de New-York, de Londres,…

Ce qui est cool, c’est qu’entre temps, on peut faire des dates un peu ponctuelles qui étaient justement hors tournée officielle, sur lesquelles ont a pu tester depuis deux ans, progressivement, des nouveaux morceaux. On a commencé il y a un an au Népal. Il y a quelques mois on a joué au Kazakhstan aussi. C’était vraiment les dates les plus chelous mais c’était mortel ! Et après, on a fait une tournée d’un mois au Brésil aussi il y a un an.

Tu n'étais pas allée au Mexique aussi ?

Non, mais putain j’adorerais ! On avait fait l’Argentine, mais avant. Au Brésil, ils ont un peu fait la gueule au début parce qu’ils nous avaient programmés sur l’album Jouer Dehors (2011), et nous, on les avaient prévenus en disant qu’il y aurait quelques anciens morceaux. Mais surtout des nouveaux. Au final, tout le mondé a été content. C’était vraiment le labo pour nous.

Et pour le coup, comment tu as ressenti le fait de jouer à Londres pour la première fois ?

C’est la suite du labo en fait ! (rires) 

C’était mortel, mais putain, ça fait plusieurs semaines (elle compte) que je flippe à mort parce que, concrètement, c’est pas tout. Parce que là, tu réalises un autre truc de ce que je suis sur scène. C’est à dire que je fais des chansons, mais aussi que je raconte des trucs. Je fais pas des dissertations mais c’est vrai que je raconte des trucs à deux trois moments du concert. 

Et bizarrement, j’avais peur des chansons parce qu’elles étaient vraiment solides. Je les avaient bossées. Les chansons en soit, les compositions, le vocabulaire, l’accent, j’avais vraiment bossé. Mais je flippais de savoir comment ça allait se passer entre les morceaux. Alors que finalement, ça a été. J’ai réussi à raconter ce que je voulais. J’appréhendais plus de savoir si on allait réussir à se capter. Après, les 3/4 des gens à qui je parlais étaient français, donc je sais pas trop. Mais c’était un test comme un autre. Mais clairement, ce qui m’a le plus stressée, c’est le fait que ce soit Londres et que pour moi, ce soit la ville la plus dure du monde. C’est le public le plus dur au monde. Mais aussi le public qui a juste les meilleurs musiciens.

Musiciens qui font évidemment partis de tes références je suppose ?

C’est la dernière explication pour l’anglais et pas le polonais ! (rires) 

Toutes mes idoles sont anglaises. Les Bowie, The Cure, The Clash, Radiohead. C’est quand même des groupes qui sont tous anglais. Ok, il y en a qui sont partis aux États-Unis, mais ils viennent tous de là !

Et justement, quand tu travailles l’anglais et l’accent, tu comprends plein de choses. C’est vraiment une langue parce que les intonations sont aussi importantes que la prononciation. C’est vraiment la langue de la pop ! Il y a un truc qui place ta voix avec la mélodie et ouvre déjà l’oreille dans la langue. En fait, tu chantes déjà quand tu parles anglais. Venir en Angleterre, c’était vraiment comme aller un peu au coeur du mystère anglais avec tous ces groupes géniaux qui ont structurés le truc.

C’est comme le réal anglais avec qui ont va bosser. Les américains veulent un truc très pro, très carré. Et du coup, c’est fat. Plus dans le grave. C’est vraiment un truc massif. Alors que chez les anglais, le son est beaucoup plus « bright ». Il y a plus d’aigus. Le son est plus brillant. Et tout les groupes que je kiffe, même les Joy Division, c’est des mecs, ça tourne pas super bien, mais il y a un truc qui se passe. Il y a une émotion quand tu écoutes. Ils sont vraiment en raccord avec leur feeling et c’est ça ma référence. C’est vraiment ces mecs qui sont un peu dans la merde, dans la banlieue grise et noir. Qui ont un truc super dark et glauque et qui arrivent à faire un truc magnifique et un peu fragile. Ça, c’est vraiment ma référence !

Pour l’instant fin octobre. Mais à priori, peut-être plutôt pour fin janvier au plus tard !

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