Quelques mois après sa sortie américaine, la France découvre enfin Dark Waters. Un film signé Todd Haynes autour de l’empoisonnement des populations. En salle depuis le 26 février 2020 !
Inspiré de faits réels, Dark Waters revient sur l’empoisonnement de la population par l’entreprise DuPont. Une réalisation proposée à Todd Haynes par Mark Ruffalo et Production Media dont la sortie le 26 février 2020 risque d’ôter certaines oeillères.
Une histoire inspirée de faits réels
Film de dénonciation, Dark Waters s’inspire de l’article The Lawyer Who Became DuPont’s Worst Nightmare – L’avocat qui est devenu le pire cauchemar de DuPont – de Nathaniel Rich. Ce dernier relate comment l’avocat Robert Bilott va révéler malgré lui une sordide affaire d’empoisonnement.
À l’origine de ce scandale, Wilbur Tennant, un fermier de Parkersburg persuadé que la mort de ses vaches a rapport avec l’entreprise DuPont. Poussé par la grand-mère de Bilott, l’homme va démarcher l’avocat ayant rejoint le cabinet Taft Stettinius & Hollister. Accoutumé à défendre des industries chimiques, Robert Bilott va tout de même s’intéresser à ce fermier que personne ne souhaite défendre. Sur place, il va alors prendre conscience de ce dans quoi il a mis les pieds.
Le film prend également sa source dans le livre de Robert Bilott : Exposure: Poisoned Water, Corporate Greed, and One Lawyer’s Twenty-Year Battle against DuPont. Malheureusement, aucune traduction française n’a été faite, signifiant la nécessité de lire en VO si le sujet vous intéresse.
Dark Waters : à la recherche de l’authenticité
Dans l’optique d’être le plus authentique possible, Todd Haynes a désiré tourner dans l’Ohio, et plus particulièrement sur les lieux réels de l’action. Fidèle à l’histoire, le réalisateur a directement tourné quelques scènes dans les locaux du cabinet Taft. Ainsi, l’accueil, la salle de repos, la salle de conférence, les couloirs sinueux ou encore le bureau de Tom Terp sont ceux dans lesquels déambulent réellement les avocats. En revanche, le film n’a pas été tourné dans la véritable exploitation des Tennant ni dans la maison des Bilott ou à Parkersburg même.
La volonté d’authenticité se retrouve également dans le traitement des personnages. En effet, la chef-décoratrice Hannah Beachler est allée à la rencontre des véritables protagonistes de l’histoire afin que le spectateur puisse en avoir la meilleure représentation à l’écran. Ainsi, elle s’est imprégnée de l’atmosphère des lieux afin de nous les retransmettre de la façon la plus fidèle possible. Avec ces teintes grisâtres et son atmosphère hivernale, Dark Waters accentue sur un esthétisme aussi oppressant et froid que la trame de son enquête.
La présence de Robert et Sarah Bilott sur le plateau a également beaucoup aidé Haynes qui a pu leur poser de nombreuses questions afin de retranscrire leurs habitudes avec le plus d’exactitude possible. Ainsi, la façon dont l’avocat a réuni ses informations, son tremblement de main ou encore le type de repas pris en famille est basé sur la réalité. Le jeu de Mark Ruffalo est également à signaler, nous faisant à la fois vibrer pour cette affaire et craindre pour sa vie.
Les femmes de l’histoire
Dark Waters débutant plusieurs décennies auparavant, vous vous douterez que les femmes sont assez effacées. Pourtant, et bien qu’il ne s’agisse pas du sujet principal, certaines d’entre elles nous ont marqué.
À commencer par Anne Hathaway dont la prestation est remarquable. Par son interprétation de Sarah Bilott, l’actrice fait transparaître toute la complexité de cette femme. En effet, si on pourrait penser qu’elle n’est qu’un cliché de la femme au foyer, il n’en est rien. Sarah Bilott ne perd rien de son tempérament et n’hésite pas à faire entendre sa voix si nécessaire. Tantôt, elle est d’un soutien indéfectible pour son mari, lui insufflant la poursuite de son enquête. Tantôt, elle lui reproche de délaisser sa famille, déclamant « qu’il n’a pas à se soucier d’avoir les moyens de payer l’école de ses enfants alors qu’il est absent pour eux ». Ainsi, la charge mentale de Sarah transparaît tout au long du film.
Par le biais de l’assistante juridique de Bilott, Kathleen Welch (Abi Van Andel), on découvre également une femme patiente et désireuse de venir en main forte à son collègue. Homme qui la considère, à nos yeux, comme une égale, contrairement à ses collègues qui voient les femmes comme « leur inférieur ». Enfin, via Darlène Kiger (Mare Winningham) c’est une femme courageuse qui apparaît à l’écran. Courageuse lorsqu’elle raconte l’histoire de son ex-mari ayant travaillé chez DuDpont. Courageuse également lorsqu’elle se doit d’affronter le regard et les rumeurs d’une région se sentant redevable envers DuPont.
De la contamination d’une ferme à la population mondiale
Excellent film de dénonciation, Dark Waters révèle au grand public les dissimulations des multinationales. Ici, c’est l’entreprise DuPont qui est pointé du doigt. En effet, l’enquête révèle combien les actions menées par cette multinationale sont dangereuses pour les hommes. Car ce qui s’avérait montrer une contamination des vaches via l’eau va prendre une échelle internationale. Au fil de l’enquête, on apprend ainsi que le PFOA (ou C8), en plus d’avoir été répandu en forte concentration dans les eaux potables de la ville, se trouve depuis des siècles dans nos ustensiles de cuisine, moquettes,…
Le pire ? DuPont est parfaitement conscient des conséquences puisque l’entreprise à elle-même menée des expériences sur ses propres ouvriers au cours des années 70. Expériences prouvant que le Téflon est toxique pour l’homme, engendrant maladies (cancers) et malformations à la naissance. L’un d’eux est d’ailleurs présent dans le film. Par ailleurs, ces révélations ont poussé Bilott et son équipe à faire des tests sanguins sur la population de Parkersburg. Tests qui ont battu tous les records de participation. À tel point qu’il aura fallu sept années aux scientifiques avant de pouvoir rendre leur verdict.
Au final, Dark Waters nous informe qu’aujourd’hui, 99% de la population humaine est contaminée. Mais comment donner de la voix à une telle affaire lorsque les gouvernements eux-mêmes sont corrompus ? C’est ce que nous montre Todd Haynes avec ce premier film de dénonciation réussi et d’actualité.