Parée pour percer : Immersion dans le rap

Parée pour percer, le second roman autour du rap d’Angie Thomas. Dans Parée pour percer, Angie Thomas prolonge le plaisir de son premier roman. Après Starr, c’est au tour de Bri de faire entendre sa voix. Au programme, rap et une importante dose de harcèlement envers les minorités. Le rap au coeur du roman Premier très bon point de Parée pour percer : son traitement du rap. Angie Thomas maîtrise le sujet et nous montre comment Bri décompose tout ce qui lui arrive en mots et syllabes. Cela passe d’ailleurs par l’inclusion de vers dans le récit, ce que nous avons trouvé très rafraîchissant. L’objectif de Bri ? Percer dans le milieu, et ce, coûte que coûte. Et la musique, elle l’a dans le sang, puisqu’on lui rabâche sans cesse qu’elle est la digne héritière de son père. Parée de paroles percutantes, l’adolescente va cependant être rapidement confrontée aux limites de compréhensions de la société. En parallèle, l’adolescente fait affaire avec un manager peu scrupuleux affirmant qu’il faut « toujours être acteur pour réussir ce qu’on veut« . Évidemment, avec un personnage comme Bri, les références au rap sont quotidiennes. Désireuse de rejoindre la programmation du Ring où ont lieu des battles, la jeune fille suit le parcours des artistes s’y produisant via les réseaux. Grâce à sa tante, elle a également une très bonne culture musicale concernant le rap US. Et on ne parle pas essentiellement des pointures masculines puisque la demoiselle est aussi fan de Cardi B et Nicki Minaj. Au coeur de la pauvreté Si Angie Thomas nous avait proposé de suivre le parcours d’une adolescente dont les parents n’avaient aucune difficultés financières dans son premier roman, elle s’attaque ici à son opposé. Nous sommes d’ailleurs mis en garde dès le premier chapitre qui nous explique que « le gaz a été coupé » la semaine précédente, qu’il leur faut « faire bouillir de l’eau pour prendre un bain » ou qu’ils ont du « ajouter des couvertures dans leurs lits ». Avec cela, les bases sont posées. Ajoutez à cela que Jay, la mère de Bri est une ancienne toxico et vous comprendrez comment les choses ne peuvent que s’envenimer. En effet, après avoir perdu son emploi, il est difficile pour elle de joindre les deux bouts. L’aîné, Trey, a préféré un emploi dans une pizzeria plutôt que la poursuite d’études prometteuses et Bri deal des bonbons dans l’espoir de pouvoir acheter une nouvelle paires de chaussures. Avec Parée pour percer, vous n’aurez donc pas affaire à un livre tout gentillet sur une adolescente rêvant de devenir une star. Parce que si Bri, rêve de gloire, c’est aussi dans le but de promettre à sa mère un avenir où l’argent n’est plus un souci. Un avenir ou les coupures de gaz et d’électricité n’existent pas et où la nourriture ne manque jamais. Récurrence des thèmes En lisant Parée pour Percer on se rend compte d’à quel point ce nouveau roman s’inscrit dans la continuité de The Hate U Give. Mais pas d’inquiétude, si un écho est fait à certains événements, le récit est complètement indépendant. Vous pouvez donc vous y plonger sans avoir lu – ou vu – The Hate U Give. À nouveau, Angie Thomas nous entraîne à Garden Heights. Et qui dit Garden Heights dit guerre des gangs. Là où nous avions découvert les Crowns avec King, l’oncle de Starr, cette fois, c’est du côté des Garden Disciples que les choses se passent. En effet, Pooh, la tante de Bri étant dealeuse pour les GD, tous vivent dans la peur qu’elle se fasse arrêter ou tuer. Le rapport aux armes et lui aussi remit sur le tapis. Outre les mentions au meurtre du meilleur ami de Starr, la question revient sous une nouvelle forme : son utilisation par des civiles. Ainsi, Angie Thomas nous confronte frontalement à la distinction faite selon la couleur de peau d’une personne en usant. Harcèlement des minorités Tranchant, Parée pour Percer évoque avec justesse le traitement des minorités au sein même du système éducatif. Un fait important puisque, malgré la non présence de policier – comme c’est le cas dans certains établissements -, Bri et ses camarades se font quotidiennement malmenés. De l’obligation à repasser sous le détecteur à la fouille récurrente des sacs en passant par des exclusions de cours, voir, de l’établissement pour des motifs insignifiants, Bri subit une oppression constante. Sans parler du fait que l’école préfère se positionner du côté de ses employeurs plutôt que d’avouer la vérité. Un fait qui va encore une fois causer du tord au minorité au lieu de condamner un comportement persécuteur. « Pendant que certains et certaines parmi nous ont peur de l’impact que des chansons pourraient avoir sur nos enfants, d’autres parents sont terrifiés à l’idée que ceux et celles qui sont censés protéger leurs enfants pourraient leur faire du mal. » Jay(p356-357) Vous avez-lu Parée pour Percer, qu’en pensez-vous ? Si ce n’est pas le cas, ce livre vous tente-t-il ? Vous avez Pinterest ? N’hésitez pas à partager l’article  !

Journée mondiale des enseignants : rencontre avec Laura Mougel

Pour la journée mondiale des enseignants, Les Insouciantes sont entrées dans le quotidien de Laura Mougel, professeure d’Histoire-Géographie au collège Gérard Philipe. Voici notre expérience ! Célébrée chaque 5 octobre depuis 1994, la journée mondiale des enseignants permet la sensibilisation de leur rôle dans le système éducatif. À cette occasion, nous sommes allées à la rencontre de Laura Mougel, professeure d’Histoire-Géographie au collège Gérard Philipe (Paris 18ème). Immersion en milieu scolaire Il est un peu plus de neuf heures lorsque Laura Mougel nous reçoit dans la salle des professeurs. L’occasion de s’imprégner de l’ambiance -encore calme- de l’établissement. Bientôt, une dizaine de professeurs viendront y prendre leur pause lors de la récréation de dix heures, échanger entre collègues et souffler entre deux cours. Dans la pièce d’à côté, le CDI fourmille d’élèves avant la reprise… L’Histoire permet de savoir d’où vous venez Au programme de cette matinée, deux classes de 6ème s’interrogent sur l’intérêt de faire de l’Histoire. Après un retour au calme à 10h15, les élèves rassemblent plusieurs réponses sur les thèmes : « Pourquoi l’Histoire est une science humaine ?« , « Pourquoi les femmes sont peu présentes dans l’Histoire ? » ou encore « À quoi sert la culture générale ?« . Beaucoup d’entre eux participent et cherchent à comprendre la démarche avec laquelle on aborde l’Histoire. Après le visionnage d’une vidéo éducative, il en résulte que l’Histoire est une enquête du passé. Dans les deux classes, un assistant pédagogique circule entre les rangées pour aider les élèves en difficulté. En deuxième heure, l’ambiance est apaisée bien que certains ventres commencent à gargouiller. Je ne prétends pas que mes cours puissent être indispensable dans la vie de tous les jours. Mais ils peuvent servir à comprendre le monde, à faire réfléchir. Laura Mougel, professeure d’histoire-géographie Après une heure de discussions et d’échanges sur les journées de commémorations, arrive la pause méridienne. L’occasion d’échanger plus longuement sur son parcours et sa vision du métier d’enseignant. Du journalisme au professorat Jusqu’à la licence, Laura Mougel se destinait à une carrière de journaliste. Elle s’est ensuite dirigée vers un master d’Histoire contemporaine, un CAPES, et enfin, l’agrégation en 2010. Présente au collège Gérard Philipe depuis cinq ans, ses cours représentent entre 18 et 20h selon les semaines paires ou impaires. Cependant dix heures supplémentaires sont nécessaires entre la préparation des cours, les appels téléphoniques aux parents, les prises de rendez-vous avec ces derniers ainsi que « la paperasse en général ». En comptant la correction des copies soirs et weekends à la maison, l’enseignante compte environ 35 à 40h de travail. « Au final, je n’ai jamais autant eu de travail qu’en REP+ (réseau d’éducation prioritaire renforcé) » nous dit-elle. Magnéto, Serge ! Pour la suite de notre immersion, direction le CDI (centre de documentation et d’information) à 12h45 pour la classe télé. Classe que donne l’enseignante une fois toutes les deux semaines. Les autres jeudis, c’est une classe journal qui prend le relais. Durant ce temps de travail, les élèves choisissent des sujets d’actualité publiés dans le journal ou débattus tous les quinze jours en classe télé. À cette occasion, l’équipe d’Arrêts sur Images, site web consacré à la déconstruction des narrations médiatiques (sur tous les supports), accompagne les élèves volontaires tout au long de l’année. Par ailleurs, ces derniers ont participé au concours Médiatiks organisé par le CLEMI (Centre pour L’Education aux Médias et à l’Information). À noter que l’option « classe médias » est proposée en 6ème et 5ème. Au total, il y a 25 classes médias sur Paris. Quelles conditions d’enseignement aujourd’hui ? Après un atelier médias très enrichissant, l’heure est aux confidences en salle des professeurs. Interrogée sur son ressenti à propos des conditions d’enseignement en REP, Laura Mougel nous confie que le métier de professeur représente tout d’abord un investissement important, surtout sur le plan émotionnel. Chaque fin d’année, je ressens un vide. Je suis touchée lorsque des anciens élèves reviennent nous voir. Cela veut dire que l’on a pu, malgré certaines difficultés, transmettre des savoirs et contribuer à leur réussite. Laura Mougel nous explique notamment comment elle prépare ses élèves de 3ème 4 –  dont elle est la professeure principale – à la recherche de stage et à l’orientation. En faisant intervenir l‘association Viens Voir Mon Taf, ces élèves issus d’établissements classés REP parviennent à trouver des stages. L’enseignante organise également 5 ateliers allant de la présentation personnelle à la méthodologie du rapport de stage, en passant évidemment par la rédaction d’un curriculum vitae (CV) et d’une lettre de motivation. Les conseils de Laura Mougel aux futurs enseignant•e•s Pour être enseignant, « il faut travailler son empathie en essayant de se mettre à la place des enfants avec toutes les problématiques que cela implique, tout en gardant en vue son exigence« . Elle revient également sur la particularité d’exercer dans un établissement REP qui demande à la fois « d’être bienveillant et conscient qu’on ne peut pas « sauver » tous les élèves de leurs difficultés« . Vous l’aurez compris, pour faire ce métier, « il faut avoir envie de transmettre tout en prenant du recul par rapport au public auprès duquel on enseigne« .