Un jour sur trois : le féminicide au coeur d’une enquête

Dans Un Jour sur Trois, Stephane Wegner met en exergue les failles de la justice française autour du féminicide. Un jour sur Trois n’est pas un titre choisi par hasard. Car un jour sur trois, c’est une femme qui meurt sous les coups de son conjoint. Un thème dont s’est intelligemment emparé Stéphane Wegner afin de nous plonger dans l’histoire de Marc Amin, un juge d’instruction en convalescence. Mise en avant des femmes Bien que derrière Un Jour sur Trois se cache un homme, le roman s’inscrit en véritable allié du féminisme. En effet, par le biais de son personnage féminin, Elena, Stéphane Wegner parvient à aborder des sujets particulièrement intéressants. Ainsi, il met en avant le fait que l’autrice d’articles de vulgarisation cherche systématiquement à mettre en avant le rôle des femmes dans la recherche scientifique ou les avancées technologiques. Un point qui nous parle d’autant plus que de nombreux travaux réalisés par des femmes ont été volés par leurs confrères masculins. Ici, Elena choisi cependant un tout autre angle : le manque de présence des Femmes dans les manuels éducatifs. Ainsi, Un jour sur Trois évoque la place infime et la minimisation des travaux réalisés par les Femmes. Pour cela, Elena se réfère à un épisode l’ayant choqué alors même qu’elle n’était qu’au lycée. Un épisode où Marie Curie était dépeinte comme la « simple assistante de son mari ». Un peu dur pour la seule femme au monde à avoir reçu deux Nobel, n’est-ce pas ? Pourtant, encore aujourd’hui, alors qu’on nous parle sans cesse de parité femmes-hommes, les programmes scolaires ne font que régresser. À ce sujet, on vous conseille d’ailleurs de lire Le grand complot des livres d’histoire contre les femmes par Titiou Lecoq sur Slate. Outre l’invisibilisation des Femmes dans nos manuels d’histoire, on pourrait également parler du fait que jusqu’en 2017, le clitoris était banni des livres de SVT. Image d’archive de la maternité d’Elne En parlant d’histoire, Stephane Wegner s’est directement inspiré d’un fait réel pour expliquer la spécificité du prénom d’Elena. Et oui, si le prénom de la jeune femme ne possède pas de H, ce n’est pas sans raison. Il vient en réalité de la ville d’Elne – Pyrénées Orientales -, où en 1939, Elisabeth Eidenbenz, une infirmière suisse, a monté une maternité pour les réfugiés espagnols. Ainsi, la jeune femme a permis à de nombreuses femmes d’accoucher sans avoir à craindre les conditions horribles des camps de réfugiés. Camps ou, une fois sur deux, une femme mourrait en couche.  Cette histoire est d’autant plus importante pour Elena qui tient son prénom de sa grand-mère, née dans cette même maternité. En plus d’avoir apprécié le fait de revenir sur un tel événement, nous avons adoré le fait que, pour ne pas oublier leur passé, ce prénom ait été transmis à chaque génération suivante. Ainsi, même si les livres ne racontent pas leur histoire, elle continue à se transmettre. Enquête sur fond de féminicides En France, le féminicide c’est 113 femmes tuées par leurs conjoints ou ex-conjoints en 2021 et déjà 3 femmes tuées en 24h en 2022. Autant dire, beaucoup trop. Ces failles, Stéphane Wegner en parle en connaissance de cause dans Un Jour sur Trois. En effet, l’auteur travaille depuis 27 ans dans le monde judiciaire. Avec ce roman, il vise donc à montrer les failles du système.  Dès les premières pages, on constate combien il est difficile pour une femme de porter plainte quand la police, et plus majoritairement, la justice française manque de sérieux face aux violences faites aux femmes. Ainsi, comme dans la réalité, une femme est renvoyée sans protection à son domicile. Domicile qu’elle n’atteindra malheureusement jamais. On a d’ailleurs apprécié l’alternance de point de vue entre le personnage principal et des situations quotidiennes de femmes en danger. Cela passe par les coups, la manipulation ou l’impossibilité de se défaire de ses relations violentes. Ce dernier point est très bien mis en avant par la femme d’un haut magistrat incapable de s’enfuir sous peine de voir son mari faire appel à ses nombreuses ressources pour la retrouver. Grâce à ce personnage, apparaît aussi une phase préventive, l’une de ses amies la poussant à s’adresser à une association d’aides aux femmes victimes de violences. Par ailleurs, notre regard passe par celui de Marc Amin. Un juge d’instruction parisien particulièrement cartésien en convalescence dans les Alpes du Sud qui va se mêler d’une série de disparitions étranges. Mais quel est le rapport nous direz-vous ? Pour cela, il vous faudra lire le livre car le rapport ne se fait que dans le dernier chapitre ainsi que l’épilogue. Autant vous dire que nous n’avons aucunement l’intention de vous gâcher le dénouement. Tout ce que nous pouvons vous révéler est que Marc Amin est un allié au féminisme. Plongée au coeur de la justice française Plutôt que de s’attarder uniquement sur le féminicide, Stéphane Wagner en profite pour faire le tour des sujets qui fâchent : immigration clandestine, pédophilie, trafiques sexuels. Tout cela, dans le but de montrer combien la justice française peine à avancer. Un passage du livre relatant l’immigration nous a particulièrement marqué. En effet, alors qu’il cherche à découvrir comment des femmes peuvent disparaître sans laisser de traces, Marc Amin est témoin d’une scène violente entre des extrémistes et un migrant. On découvre ainsi qu’afin d’empêcher ces hommes et femmes d’entrer dans le pays, des citoyens lambdas pensent pouvoir remplacer la police. Et évidemment, cela dégénère. Autre sujet sensible en France : le cannabis. Avec Un Jour Sur Trois, Marc Amin n’hésite pourtant pas à évoquer le sujet. Le personnage admet notamment que la pénalisation n’est pas la bonne solution. Mieux, il aborde la question d’un point de vue culturel. Et quoi de mieux dans ce cas, que de comparer la consommation du cannabis à celle de l’alcool ? Pour Marc, « nous ne sommes pas gênés par l’alcool parce que c’est une tradition chez nous et que c’est un secteur économique important alors qu’il tue plus de 40 000 personnes par an, entre maladies et accidents de la route. » Le juge admet également qu’une légalisation du cannabis « assècherait le trafic et permettrait à

Coltan Song : Investigation autour des smartphones

Collectif Blackbone – Coltan Song, un premier tome percutant et engagé autour des « minerais de sang » en Afrique ! Collectif Blackbone : Coltan Song entraîne le lecteur sur les traces des « minerais de sang ». Un roman jeunesse incisif et d’actualité écrit à huit mains et portant à réfléchir sur notre usage des smartphones. Coltan Song : Origine du Collectif Blackbone Coltan Song, ce premier tome introduit admirablement le Collectif Blackbone. Un nom qui n’apparaîtra d’ailleurs qu’en toute fin de roman. Si on vous laisse le suspense quant à sa signification, parlons du trio qui le constitue. Au coeur de cette histoire, on découvre Marie Forget. Adolescente métisse à la mémoire eidétique – photographique – et particulièrement intelligente, Marie voit sa vie bouleversée après l’hospitalisation de sa grand-mère et le décès de sa mère. Son avenir tout tracé semble ainsi remis en question. Soudainement seule, elle n’est plus certaine de vouloir poursuivre ses études et se pose toujours des questions sur la mort de son père qu’elle n’a jamais connu. C’était sans compter sur l’apparition de Hell-O, un jeune hacker persuadé que la mort d’Irène Forget n’est pas un accident. Ayant des difficultés à s’exprimer et clairement paranoïaque, il apparait immédiatement comme un personnage attachant. En revanche, de part son côté « metalleux », on n’a pu s’empêcher de penser à Lisbeth Salander (Millenium) – en moins dark. Le dernier membre du trio fait directement partie de l’entourage de Marie. En effet, il s’agit ni plus ni moins de sa marraine, Andréa. Journaliste italienne et meilleure amie d’Irène Forget, Andréa nous a également charmé. Car si elle apparaît comme une bonne vivante, elle a également une grande faiblesse du nom de PTSD. Découvrir l’univers du journalisme On ne va pas se mentir, la première chose nous ayant attirée dans Collectif Blackbone – Coltan Song est l’immersion dans l’univers du journalisme. Un univers fascinant dans lequel nous nous sommes plongées avec une facilité déconcertante. En effet, ce premier tome révèle avec fidélité les ficelles des métiers de reporter de guerre, journaliste ou encore lanceur d’alerte. Et pour couronner le tout, l’une des autrices (Maylis Jean-Préau) est elle-même journaliste indépendante. Avec elle à bord de l’aventure, l’investigation menée par le Collectif Blackbone tient parfaitement la route ! En parlant d’écriture, nous avons particulièrement apprécié la façon dont a été construite l’histoire. En effet, les auteurs nous proposent de revenir à plusieurs reprises sur la mission d’Irène Forget en Sierra Leone. S’offre ainsi au lecteur la possibilité de comprendre comment un reporter agit sur le terrain malgré l’horreur se déroulant sous ses yeux. Un fait qui reviendra d’ailleurs via le biais d’Andréa afin d’expliquer l’arrivée de son traumatisme. Juliette Binoche dans le rôle de Rebecca, une photographe reporter | L’Epreuve (2013) Vous l’aurez compris, la lecture de Coltan Song est très instructive et pourrait même devenir un vecteur à vocation pour certains lecteurs. Une enquête passionnante À l’heure où le monde se rue sur le dernier smartphone tendance, se gavant des dernières nouveautés, voilà un livre qui risque de vous faire réfléchir. En effet, nos téléphones contiennent du coltan, un minerai rare responsable de la mort de centaines de personnes chaque année. Un fait que dénonce admirablement Coltan Song. D’abord, à travers les yeux d’Irène qui voit des familles abattus de sang froid et des enfants kidnappés par la milice du Commandant Cousteau en Sierra Leone. Autant vous dire qu’en étant peu accoutumées à ce qui se déroule en Afrique, l’histoire ouvre brutalement les yeux sur la réalité. Puis, par le biais de l’enquête du Collectif Blackbone autour de la société LookEe. LookEe, c’est LA nouvelle marque à suivre sur le marché dédié aux smartphones. La raison de son succès avant même sortie de son téléphone ? Un produit à priori 100% éthique. Par là, comprenez ne puisant pas le coltan dans des minerais de sang et respectant les normes environnementales. Évidemment, cette société s’inscrit pleinement dans une volonté de greenwashing. Un sujet particulièrement intéressant car toujours d’actualité. En effet, il permet de comprendre efficacement comment des entreprises parviennent à nous vendre des produits en mettant en avant des arguments écologiques afin de cacher le moindre vice. Coltan Song est aussi cruellement réaliste quant à son tableau de LookEe. À la tête de l’entreprise, deux bêtes assoiffées de sang prêtes à tout pour que personne ne se mette en travers de leur chemin. Chemin que compte, à leurs risques et périls, prendre Marie et ses amis. Enfants travaillant pour un minerai | Photo: The Carter Center/ G. Dubourthoumieu À peine terminé, Collectif Blackbone – Coltan Song, nous a donné envie d’en savoir plus sur les minerais de sang mais aussi de faire un peu plus attention à nos smartphones. Si vous souhaitez vous renseigner sur le sujet, un rapport de 2018 recense le rang des firmes en fonction de leurs positions environnementales, animals, humaines ou encore éthique ! Désormais, on a hâte de voir ce que nous réserve la suite des aventures du Collectif Blackbone ! Et vous, avez-vous envie de vous lancer dans la lecture de « Coltan Song » ?

Dark Waters : Des lobbys intouchables

Inspiré de faits réels, Dark Waters revient sur l’empoisonnement de la population par l’entreprise DuPont. Une réalisation signée Todd Haynes avec Mark Ruffalo dans le rôle de Robert Bilott.

Manhattan Marilyn : Et si l’icône n’était pas morte ?

Manhattan Marilyn de Philippe Ward nous entraîne à New-York avec une intrigue centrée sur l’iconique Marilyn Monroe. Avec Manhattan Marilyn, Philippe Ward fait revivre l’icône hollywoodienne Marilyn Monroe pour une enquête sous l’ère Obama. Les femmes à l’honneur Comme son nom l’indique, Manhattan Marilyn s’attarde sur l’égérie hollywoodienne Marilyn Monroe. De photos inédites de l’actrice retrouvées dans de vieilles affaires à une enquête sur sa mort, Philippe Ward joue avec les mots. Et si l’icône ne s’était pas suicidée ? C’est là que réside le fond de cette histoire qui nous en apprend aussi bien sur cette femme plus futée et intelligente qu’il n’y paraît que sur son entourage. Au fil des pages, on redécouvre son lien avec les Kennedy mais aussi l’existence du Triangle de Fer – lobby militaro-industrielle – et du Monroe 6 – groupe d’adorateurs -. Bien sûr, ce roman ne serait rien sans l’hispanique Kristin Arroyo. Ancienne Marine en Irak, cette femme possède tact, sang-froid, intelligence et logique. Traits de caractères qu’elle devra mettre à rude épreuve lorsque son associé, le photographe Nathan Stewart est sauvagement tué. Par qui ? Kristin n’en aucune idée, mais sa vie en dépend. Soudainement traquée par le FBI et la mafia, il lui faudra ruser pour comprendre la situation. Une vision actuelle de la société américaine Marilyn Manhattan n’oublie pas la teneur cosmopolite de la ville. À travers les yeux de Kristin Arroyo, vous aurez l’occasion de faire connaissance avec tous milieux sociaux. Vous vivrez  de l’intérieur le mouvement Occupons Wall Street. Déambulerez au vernissage d’une exposition de clichés affichant des portraits inédits de Marilyn Monroe. Côtoierez la Mafia italienne ou vous dirigerez vers le quartier des affaires avec le milliardaire Micheal Pear. Parmi toutes ces personnalités, nous avons particulièrement apprécié la mise en avant de la pauvreté sous l’ère Obama. Alors que la Grosse Pomme en fait rêver plus d’un(e), Philippe Ward appuie sur l’envers du décor. Celui où, revenus du champ de bataille, les soldats sont à la rue. Celui où il faut lutter pour survivre. Car oui, si Kristin possède un appartement, ses convictions la pousse à s’allier au mouvement Occupons Wall Street ou à se terrer sous terre avec d’anciens collègues car traquée. Une poursuite dans le tout de New-York De Manhattan à Staten Island en passant par Little Italy, le quartier des finances ou Harlem, Manhattan Marilyn transporte sans problème à New-York. On perçoit d’ailleurs tout l’amour que porte l’auteur à cette ville. Bien que les descriptions ne soient pas énormément détaillés, suivre le mouvement n’est pas difficile. À chaque quartier son ambiance. Chaque lieu son rebondissement. Tout du long, on se trouve dans une position d’attente. Qu’importe les choix des personnages, on se doute des conséquences. Corruptions, intimidations, violences, meurtres. Voilà ce qui régit l’oeuvre de Philippe Ward. Pourtant, Kristin est bien décidée à braver les dangers pour en savoir plus sur les derniers jours de Marilyn Monroe. Pour cela, elle n’hésitera pas à diversifier les moyens de transports. Taxis, motos, traque à pied ; tout est bon dans cette course contre la mort. Manhattan Marilyn : Le hic Légère ombre au tableau, il nous a été impossible de nous identifier aux personnages. En plus d’un manque de fond, la rencontre entre Arroyo et Pear est suffisante pour savoir où tout cela va mener. On avoue, on a même clairement soupiré lors du passage à l’acte car nous aurions préféré qu’ils restent de simples connaissances. Ainsi, leur relation aurait pu garder cet aspect vindicatif qui régnait entre eux et apportait un peu de fraîcheur. Et vous, avez-vous envie de vous plonger dans une enquête sur Marilyn Monroe ?