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Au coeur de polémiques successives, Mignonnes suit cinq pré-adolescentes en quête d’émancipation. Une première réalisation signée Maïmouna Doucouré autour du paradoxe entre enfermement et liberté. En salle depuis le 19 août 2020.

Précédé d’une enquête d’un an et demi auprès de petites filles par Maïmouna Doucouré, Mignonnes est criant de vérité. Parmi les thèmes abordés : amitiés féminines, harcèlement scolaire, hypersexualisation et dangers des réseaux sociaux.

Synopsis Mignonnes - Visuel © Les Insouciantes

Mignonnes : Un film au coeur de la polémique

Si vous n’avez pas vu Mignonnes, peut-être en avez-vous entendu parler sur les réseaux sociaux. En effet, depuis quelques semaines, le film fait fréquemment surface dans les tendances Twitter. Si vous n’êtes pas au courant, tout a débuté lorsque Netflix US a choisi une affiche montrant les protagonistes en tenues courtes et moulantes prenant des poses suggestives afin de promouvoir la sortie du film sur sa plateforme. Affiche qui a suscité de nombreuses réactions allant jusqu’à la création de pétitions appelant au retrait du film jugé « répugnant » et « sexualisant des enfants de 11 ans« . Un paradoxe pour ce long métrage primé au Sundance 2020 pour sa dénonciation de l’hypersexualisation et l’objectification des préadolescentes.

Évidemment, les choses n’en sont pas restées là ! En plus d’un appel à se désabonner de Netflix, Mignonnes a suscité d’autres réactions. En Turquie, le film a tout bonnement été interdit de diffusion. Le prétexte ? Ce dernier est « susceptible d’exposer les enfants à des abus et de compromettre leur développement psychologique« . Aux États-Unis, les critiques qualifient quant à eux le film de « pornographie infantile« . Une remarque particulièrement hypocrite au regard du pays organisateur de concours de mini-miss ou de cheerleading. Pays également connu pour sexualiser très tôt de jeunes actrices telles que Selena Gomez, Bella Thorne ou encore Millie Bobby Brown. Et on pourrait continuer comme cela pendant des heures.

Heureusement, des personnalités telles que l’actrice Tessa Thompson ou notre Ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, prennent le parti de Mignonnes. Cette dernière a notamment publié un communiqué déplorant que les critiques « se fondent sur une série d’images réductrices et décontextualisées du film« . Autant dire qu’avec ces prises de positions, les polémiques ne sont pas prêtes de s’amenuir.

Une jeune fille tiraillée entre deux mondes…

Mignonnes brosse le portrait d’Amy (Fathia Youssouf). À 11 ans, Amy vit dans un logement social du 19e arrondissement de Paris. Malgré l’obligation de partager sa chambre avec son petit frère, la fillette évolue dans un environnement très féminin. Environnement essentiellement composé de sa mère, de sa tante, vieille dame respectée de la communauté sénégalaise et de voisines, toutes de confession musulmane.

Malgré le fait que la danse ai été considérée comme contraire à la religion par les femmes de son entourage, Amy va développer une fascination pour une autre fille de son âge : Angelica. Interprétée par Médina El Aidi-Azouni, Angelica aime se lisser les cheveux et se déhancher au rythme de musique latines. En l’espionnant, Amy découvre le groupe de danse Les Mignonnes. Alors qu’elle porte un vif intérêt aux chorégraphies sensuelles de ses nouvelles amies, le retour en France de son père va changer la donne.

En effet, Amy se voit dans l’obligation d’aider à la préparation du mariage de son père ainsi qu’à l’accueil de sa nouvelle femme. Un dilemme entre la pression familiale et sa vie de collégienne ponctuée des séances à répétitions avec ses amies se fait alors ressentir. Progressivement, l’opposition entre l’émancipation par la danse et l’oppression familiale creuse un écart. Écart entraînant Amy dans une spirale de violence.

Un combat contre la sexualisation des jeunes filles

Nous vous en parlions plus haut, Mignonnes se positionne contre l’hypersexualisation des jeunes filles. En clair, le film repose sur une critique de la transition de l’enfance à la pré-adolescence. Période durant laquelle les filles voient leur statut changer. En effet, quoi qu’elles fassent, la société les conditionnent à devenir ce qu’elle ne veulent pas être ou à suivre un chemin prédestiné par les adultes. On pense notamment à cette injonction au début du film : « Tu dois tout faire pour faire plaisir à ta mère« .

Alors que dans l’inconscient collectif, le collège est synonyme d’insouciance, Maïmouna Doucouré expose tout autre chose. Loin de jouer sagement à la poupée entre copines, les Mignonnes se prennent pour « des grandes ». Elles se maquillent, veulent parler et draguer comme les grands. On les voient notamment s’amuser autour de garçons plus âgés. Ajoutez à cela l’omniprésence des réseaux sociaux et vous comprendrez leur comportement. Car assurément, la course aux likes et vues sur leurs vidéos ne fait qu’amplifier leur volonté de plaire et se faire remarquer. Comportement qui engendre d’ailleurs une escalade de la violence détonnant sur fond de scènes de danses lascives. Scènes pouvant hurter le spectateur, puisque, on vous le rappelle, elles n’ont que 11 ans.

Évidemment, Mignonnes montre les réactions masculines. Les regards à leur égard sont insistants. Certains – dont des vigiles – ne se privent pas pour les draguer ouvertement. En plein cours, un camarade d’Amy se permet même de lui mettre une main aux fesses. Geste pour lequel notre jeune héroïne répliquera en lui plantant un compas dans la main.

Au final, Mignonnes met en lumière le fait que toute femme, et ce, qu’importe son âge, soit jugé par la gente masculine comme un morceau de viande. Un fait qui nous remémore la situation actuelle des collégiennes et lycéennes interdites de porter des shorts sous prétexte que leurs jambes soient vu comme « un objet de déconcentration » pour leurs homologues masculins.

Des modèles féminins contrastés

Bien que le père d’Amy soit souvent évoqué, ce dernier n’apparaît jamais à l’écran. Deux camps se font alors face : la mère d’Amy (Maïmouna Gueye) et sa tante (Thérèse Mbissine Diop). L’un maintenant les traditions patriarcales et misogynes. L’autre défend l’envie le véritable vecteur d’expression et d’évasion que représente la danse.

Ainsi, l’autorité familiale et maternelle se voit fragiliser. En effet, cette autorité se révèle n’être qu’une façade vis à vis de la situation. Façade qui va fragiliser la relation mère-fille. La mère d’Amy est elle-même piégée dans une situation qu’elle ne peut pas contrôler : elle doit organiser le mariage de son mari avec une seconde femme, que cela lui plaise ou non. Face à la rébellion assumée de sa fille, elle change d’opinion et décide de la laisser poursuivre son rêve. De son côté, le point de vue de la tante ne change pas d’un iota jusqu’à la fin.

À souligner aussi le jeu des actrices qui nous a soufflé tant il paraît naturel à l’écran. En effet, les jeunes interprètes donnent l’impression de ne pas jouer un rôle mais de le vivre. Effet que nous n’avions pas réellement retrouvé au cinéma depuis Bande de filles (2014) de Céline Sciamma.

Et vous, comptez-vous voir Mignonnes ?

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