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"Soit je dis les choses en anglais pour que ça sorte, soit je ne dis rien et il n'y plus de raison de faire un disque."

Suite à la sortie de son quatrième album, Where Is The Queen ? le 27 janvier 2014, Les Insouciantes sont allées à la rencontre de Maud-Elisa Mandeau, alias Le Prince Miiaou.

Les Insouciantes : Comme tu le revendiques, tu as choisi de te nommer Le Prince Miiaou dans le but de surprendre. Es-tu parvenue à l'effet escompté aujourd'hui ?

Le Prince Miiaou : Ce n’était pas tant pour surprendre que pour brouiller les pistes. Le fait est que lorsque les gens découvrent ma musique, ils sont souvent surpris par le décalage entre le nom du projet et le style de ce que je fais.

Comment t'es venue l'idée de ce projet musical ?

Après 4 ans au sein d’un groupe post-rock, j’en ai eu assez des compromis que l’on doit faire en groupe. J’avais des idées qui ne collaient pas avec la musique que l’on faisait. Du coup, j’ai décidé d’arrêter le groupe et de me mettre à faire ma musique toute seule.

Tu as été l'une des révélations du Chantier des Francos en 2011. Que t'as apporté cette expérience ?

Ça m’a permis de me faire connaître auprès des professionnels. De faire des concerts un peu partout grâce aux scènes organisées par le Chantier et la SACEM. Ils m’ont toujours soutenu. Que ce soit en me donnant des conseils, en me permettant de me produire, ou en communiquant le nom du projet auprès de leur vaste réseau.

Alors que le doute t'envahissait durant la période de ton précédent album (Fill The Blank With Your Own Emptiness), est-ce encore le cas aujourd'hui ?

Des doutes j’en aurai tout le temps ! Rien n’est jamais acquis pour un projet comme Le Prince Miiaou. Et quand bien même ce serait le cas, j’aurai quand même des doutes. Je connais peu de gens qui abordent un disque en se disant « c’est génial ce que je fais, ça va plaire à la terre entière !« . Il y a des jours où j’ai quelques certitudes et le lendemain je doute de tout. C’est dans ma nature.

Pour cet album, tu as décidé de partir seule à New-York. L'ambiance de la ville t'a-t-elle ouverte à de nouveaux horizons ?

Oui ! Mais plus que l’ambiance, c’est vraiment le fait de me retrouver toute seule dans un environnement que je connaissais pas, loin de mes proches, qui m’a donné de quoi composer ce nouveau disque. Ça m’a permis de me retrouver dans des situations inédites. De casser mon quotidien. D’entendre de nouveaux discours sur le monde et la vie en générale. J’ai besoin de me nourrir de ce genre de choses pour avoir envie de faire de la musique.

Tu as également investi le Château de Barbezieux. Pourquoi avoir fait ce choix ?

Le théâtre du château avait une acoustique vraiment favorable à l’enregistrement d’un disque. C’est un lieu qui nous a été mis à disposition gratuitement et dans un projet auto-produit comme le mien, c’est une véritable aubaine. Les économies réalisées m’ont permis de rester en studio 3 semaines avec une équipe que je n’aurai pas pu m’offrir autrement.

Tu as fait l'objet d'une film documentaire réalisé par Marc-Antoine Roudil atour de la composition de ton album. Etait-ce quelque chose que tu avais envie de montrer à ton public ?

Oui. Bien souvent, les gens ne savent pas que je compose tout ce qui est donné à entendre sur mes disques toute seule. Parfois, on pense que je suis seulement la chanteuse du groupe, ce qui, je l’avoue, me met un peu hors de moi ! Du moins, c’était le cas à l’époque de ce disque. Mon besoin de reconnaissance s’est apaisé depuis.

J’ai donc accepté d’être filmée afin de montrer au public ma manière de travailler aussi pour essayer moi-même de mieux comprendre le processus de création. Comment on créer un morceau ? De quoi ça part ? Quel choix à quel moment fait qu’on va plutôt partir dans telle direction plutôt que telle autre ? Ce sont des questions qui m’intéressaient beaucoup et Marc-Antoine, par sa démarche, me proposait de « capturer » ces moments. Finalement, je n’ai pas vraiment eu mes réponses car la plupart des décisions se font dans le cerveau très rapidement. Comme des « pop-up ». Du coup, je n’ai pas pu, en regardant les images, percevoir le mécanisme à l’oeuvre dans la composition.

Comme tu expérimentes constamment avec du nouveau matériel, avide de résultats surprenants et même hasardeux, est-ce que le tâtonnement des sons est, pour toi, en quelque sorte une amorce essentielle à une musicalité délectable et sincère ? Et que recherches-tu dans la musique en particulier ?

Effectivement, j’ai besoin de me faire surprendre par les sons. Au moment où je cherche des mélodies, des riffs, etc, c’est le son et non pas les notes qui va me faire valider une idée. Qui va m’inspirer pour le reste de la composition. Par exemple, je pourrais aimer une rythmique faite avec tel son. ou tel boite à rythme et ne pas aimer cette même rythmique jouée avec un son de batterie « standard ». Dans ce sens là, la production, c’est à dire les effets, la couleur, la nature des sons, font pour moi partie intégrante de la composition. Je ne saurais pas, pour le moment du moins, composer sans mon ordinateur et tous les plugins qui me permettent de triturer les sons.

Pour ce qui est de ce que je recherche particulièrement en musique, je ne sais pas trop ! J’ai beaucoup de mal à analyser ce que je fais, pourquoi je le fais, ce que je recherche…

Ta nature pudique entraîne une "barrière" de la langue dans tes textes puisque tu as fait le choix d'écrire cet album en anglais. Penses-tu revenir un jour à l'écriture en français ?

Je pense que ça pourrait arriver oui ! J’aime le français. J’aime faire sonner les mots en français. Seulement, ça me demande beaucoup plus d’effort par pudeur de réussir à dire les choses en français. Je me censure beaucoup plus. Non pas sur la forme, mais sur le fond. Donc au bout d’un moment, je n’ai plus vraiment le choix : soit je dis les choses en anglais pour que ça sorte, sois je ne dis rien et il n’y a plus de raison de faire un disque.

En parlant de composition justement, t'arrives-t-il de collaborer avec d'autres plutôt que de t'enfermer seule pour créer ?

Pour le moment quand je crée, c’est seule. Sur ce disque, pour la première fois j’ai collaboré avec Norbert Labrousse qui, au delà d’être le batteur du projet, est également un très bon arrangeur multi-instrumentiste. Mais c’est une collaboration en « duplex ». Je lui donne le morceau, lui explique que j’ai du mal à terminer tel passage ou que j’aimerais qu’il retravaille la rythmique de tel morceau, et puis, je le laisse faire. Je ne participe pas. Une fois qu’il arrive à quelque chose qui lui plaît, il me rend le tout, on en discute et je peaufine les derniers détails à partir de ce qu’il a fait tout seul. Je ne suis pas assez patiente pour travailler à deux. J’ai du mal à rester assise derrière à regarder quelqu’un travailler sans pouvoir toucher à la souris de l’ordi.

Le chanteur de Breton, Roman, a évoqué l’idée récemment qu’on se renferme dans un studio pendant deux jours pour essayer de composer un truc ensemble. C’est une idée qui m’excite autant qu’elle m’angoisse car ça fait très longtemps que je n’ai pas créé avec quelqu’un… on verra !

Y-a-t-il des artistes avec qui tu aurais envie de collaborer ?

Et bien, Breton justement ! J’aime beaucoup tout le travail qu’ils font sur les rythmiques notamment. Du coup, je pense que j’ai beaucoup à apprendre de leur part dans ce domaine. J’aimerai également travailler sur une mélodie et un débit de chant avec Christine and the QueensJ’adore la manière dont elle Groove. Et si elle est d’accord, j’aimerais insuffler un peu de son talent dans une de mes chansons. Et pour finir, j’adorerai faire quelque chose avec Son Lux. Je ne sais pas comment, ni quoi, mais ça me plairait beaucoup.

Il y a peu, tu disais ne plus parvenir à chanter l'un de tes morceaux aussi sincèrement qu'avant. N'as-tu pas peur qu'avec le temps cela arrive avec d'autres titres ? Et comment te sens-tu par rapport à cela ?

Je n’ai pas PEUR que ça arrive avec d’autres titres car je SAIS que ça arrivera avec tous mes titres ! Je me lasse très vite des choses. Je passe tellement de temps sur mes morceaux avant d’arriver sur scène pour les jouer que je ne suis jamais plus excitée que ça. Par l’idée d’aller les jouer. Le secret du coup, c’est de faire des micros changements pour la scène. La moindre nouveauté me permet d’apprécier à nouveau le morceau. Dans ce sens là, je dois beaucoup aux musiciens qui m’accompagnent sur scène (Pierre-Louis François, François-Pierre Fol et Norbert Labrousse). Ils arrivent toujours à trouver un petit truc pour rendre le morceau plus neuf.

Pour le morceau dont tu parles, no compassion available, c’est différent. C’est le morceau le plus viscéral que j’ai composé. Celui qui demande pour « fonctionner » sur scène le plus d’investissement personnel. Les paroles (du moins la fin du texte) et la personne à qui il s’adresse ne raisonnent plus du tout en moi et jouer ce morceau, aujourd’hui, relève d’une véritable performance théâtrale. Et je déteste jouer la comédie.

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