La Journée de la Jupe : une tragédie scolaire vibrante d’actualité

Plus de dix ans après le film éponyme, Jean-Paul Lilienfeld adapte La Journée de la Jupe au théâtre. Une pièce à découvrir sur les planches du théâtre des Béliers Parisiens jusqu’au mois de mai. Lancée par une classe d’un lycée technologique breton en 2006, la journée de la jupe est devenue trois ans plus tard un film réalisé par Jean-Paul Lilienfeld. En 2019, le réalisateur adapte son succès au théâtre. Adaptation qui a d’ailleurs reçu le prix Théâtre de la Fondation Barrière. La pièce : Adaptée de son film au titre éponyme, La Journée de la Jupe de Jean-Paul Lilienfeld met en scène une professeure de français dans un lycée de banlieue sensible. Film qui avait notamment fait polémique au moment de sa sortie en 2009. Pour son interprétation de Sonia Bergerac, Isabelle Adajani a reçu de multiples récompenses dont un César et un Globe de Cristal de la meilleure actrice. Dans sa version théâtre, Sonia Bergerac est interprétée par Gaëlle Billaut-Danno. Epuisée par les insultes et les menaces de ses élèves irrespectueux et l’avis réprobateur du proviseur, l’enseignante tente malgré tout de faire cours. Un jour, alors qu’elle trouve un pistolet dans le sac de l’un de ses élèves, elle s’en empare et blesse involontairement l’un deux. Prise de panique, elle prend la classe en otage… À noter que Gaëlle Billaut-Danno a fait de multiples apparitions à la télévision française. Notamment dans Engrenages, Profilages ou encore Fais pas ci, fais pas ça. Côté théâtre, la comédienne s’est produit durant la saison 2017-1018 dans Trahisons – soit l’adaptation française de Betrayal que nous avons vu dans sa version originale-. Gravitent autour d’elle dans le rôle des élèves : Hugo Benhamou-Pépin (Sébastien), Lancelot Cherer (Mehmet), Sylvia Gnahoua et Amélia Ewu en alternance avec Sarah Ibrahim dans le rôle de Nawel. Quant au brigadier-chef Labouret et négociateur du RAID, il est interprété par Julien Jacob. Craquage nerveux à l’école Au lycée de la Soufrière – situé dans une banlieue française dite « difficile »-, les élèves font la loi. Pas d’exception pour Sonia Bergerac. Entre son supérieur et les élèves décriant le port de sa jupe, elle n’a aucun répit. En effet, insultes dégradantes et menaces de viol dans son appartement font parties du quotidien de l’enseignante. Le jeu de Gaëlle Billaut-Danno nous fait passer par l’angoisse de la prise d’otage au sursaut à chaque coup de feu tiré en l’air. Une spectatrice à proximité à même poussé un cri de peur. À travers elle transparaît aussi l’instabilité d’un cours -très particulier- sur la vie de Molière ainsi qu’une forme de suspense jusqu’au dénouement final. Cette fois-ci, les rôles sont inversés : Sonia Bergerac n’est plus la cible qui en a « assez de morfler ». Elle devient celle possédant le droit de vie ou de mort sur ses élèves. Lorsque Mouss (Abdulah Sissoko) se fait confisquer son sac dans lequel se trouve un pistolet chargé, la situation dérape. Dépassée par la situation, l’enseignante s’empare de l’arme et blesse accidentellement son élève à la jambe. S’en suit alors une prise d’otage durant laquelle Sonia Bergerac oblige ses élèves à s’allonger par terre, « comme à la télé ». Afin de trouver une issue à la situation, le RAID va d’ailleurs devoir intervenir. Deux salles, deux ambiances Au début de la pièce, cinq élèves se tiennent immobiles, tournant le dos au public. L’un après l’autre, ils tournent et dansent sur une reprise de la Lettre à France de Michel Polnareff par Pascal Obispo. Comme dans une tragédie classique, le décor reste figé sur cette salle de classe aux tables gribouillées au stylo bille. Tour à tour, les élèves deviennent bourreaux et victimes les uns des autres. Insultes et menaces fusent. Parmi les thèmes évoqués, on retrouve le racisme, la religion mais aussi la loi du silence. Cette dernière rejoint d’ailleurs une autre thématique purement liée à l’école : le harcèlement scolaire. C’est le cas de Mehmet (Lancelot Cherer). En raison ? Ses origines turques, sa pratique de la religion et sa sensibilité. Sur scène, l’acteur porte d’ailleurs un cocard à l’oeil gauche afin d’accentuer sa situation. Via le personnage de Sonia Bergerac, ce sont également des problèmes à tendances féministes qui apparaissent : misogynie, violences faites aux femmes ou encore le viol. Au fil de l’histoire, les blessures personnelles s’exorcisent et les questions s’accumulent : Qui doit-on soutenir ? Mme Bergerac ou le RAID ? A qui faire confiance ? Que faut-il craindre quand tout cela sera terminé ? Grâce à un écran géant installé au milieu de la scène, on assiste à l’édition spéciale d’une chaîne d’information. Par son biais, le proviseur ainsi que le Ministre de l’Intérieur donnent leur point de vue sur la situation. Un avis bien différent de celui revendiqué par la professeure de français. Derrière un rideau fin, on aperçoit également le négociateur du RAID (Julien Jacob) tentant inlassablement de convaincre la preneuse d’otage de libérer un élève, puis de se rendre. Une pièce toujours d’actualité Dix ans après le film, les questions soulevées par La Journée de la Jupe sont toujours d’actualité. En effet, en tant que femme, c’est quotidiennement que nous recevons des insultes fondées sur notre manière de nous vêtir. Chose étant d’ailleurs arrivée de notre côté pas plus tard que le jour de notre venue à la représentation. Pour en revenir à la pièce, l’une des revendications de Sonia Bergerac réside dans l’instauration d’un « Jour de la Jupe ». Jour qui se tiendrait une fois par an dans tous les établissements scolaires. En résulte alors l’incrédulité des pouvoirs publics. Le ministre de l’Intérieur s’exclame d’ailleurs : « Une Journée de la Jupe ? Et pourquoi pas la nuit du string pendant qu’on y est ? ». Grâce à son texte poignant, la pièce pose des questions qui interrogent sur des thématiques largement débattues aujourd’hui. Parmi elles, la suprématie masculine faisant loi dans certains quartiers ou les rapports entre hommes et femmes. On peut également ajouter la question autour des relations entre les professeurs et leurs élèves allant entre méfiance et confidence. Et vous, avez-vous envie de découvrir La Journée de la Jupe au théâtre des Béliers Parisiens ?

Tunisie : Mouvement contre la discrimination au lycée

Face aux discriminations sexistes qu’imposent leurs uniformes, les lycéennes de Bizerte, en Tunisie, ont lancé leur mouvement.  Au lycée de Bizerte, en Tunisie, les filles sont censées porter une blouse bleu marine pendant les cours. Ce type de tenue n’étant imposée qu’à leur sexe, ces dernières y voient une discrimination visant à cacher leurs corps. Depuis la rentrée dernière, elles se révoltent à travers le mouvement « Manich Lebsetha« . Un habit rétrograde pour les adolescentes Bien qu’inscrite dans la Constitution Tunisienne depuis 2014, l’égalité échappe encore à tout le pays. En atteste le lycée de Bizerte, qui, malgré l’enseignement de l’égalité hommes-femmes à ses étudiants, n’applique pas la loi. En effet, seules les adolescentes de cet établissement sont dans l’obligation de porter une blouse bleu marine. De ce fait, les lycéennes ont l’impression de devoir masquer leurs corps dans le but de ne pas « choquer » leurs homologues masculins. Le port de ce tablier pose d’ailleurs de nombreux problèmes aux concernées. Farah Ben Jemaa, une élève du lycée de Bizerte, a notamment été réprimandée par une surveillante en raison du port d’un leggings sans sa blouse qui laissait transparaitre ses formes physiques. Une seconde adulte a ajouté que cela « gêne les profs hommes. » Ceci est l’une des raisons qui a poussé les étudiants, et notamment Siwar Tebourbi, à exprimer leur mécontentent dès septembre dernier sur les réseaux sociaux. Après une concertation collective, le mouvement « Manich Lebsetha » (« Je ne la porterai pas » en arabe) est né. Cette dernière est inspirée de la campagne « Tabliers pour Tous ou Tous sans Tabilers » lancé en 2016. La première action a été organisée le 30 septembre 2017. Du blanc et du noir pour souligner l’égalité En Tunisie, des « filles de la révolution » luttent contre la discrimination au lycée 📹 @akimrez1 #AFP pic.twitter.com/O17Ut5hdA8 — Agence France-Presse (@afpfr) 10 janvier 2018 Soutenues par leurs camarades masculins, les élèves se sont présentés au lycée habillés de blanc ou de noir. Le but : obtenir l’abolition de cette mesure qui les distinguent des garçons. Malgré les persistances du corps éducatif, de nombreuses lycéennes continuent à aller en cours sans blouse. La jeune Siwar Tebourbi explique que ce mouvement est important pour faire changer les moeurs conservatrices : « Nous refusons d’être condamnées pour le simple fait d’être nées filles. On nous inculque depuis toutes jeunes à l’école que nous sommes tous égaux, alors le tablier, soit tout le monde doit le porter, soit personne. Nous sommes venues en uniforme pour revendiquer une égalité avec les garçons. Il n’y a aucune raison d’opérer cette distinction entre eux et nous.” Monia Ben Jemia, présidente de l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates, souligne la détermination des « enfants de la révolution » à invoquer le changement pour les futures générations : « Ce sont des jeunes qui sont beaucoup plus conscients de leurs droits, qui ont grandi avec la liberté d’expression. » Quand aux autorités tunisiennes, le sujet est qualifié de « sensible », voire d’embarrassant. Mais il en est tout autre pour Nabil Smadhi, commissaire régional à l’éducation à Bizente : « Il est temps d’aborder cette question dans le cadre d’un dialogue national. »

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