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Dans le cadre de la journée internationnale de la visibilité trans, j'ai décidé de témoigner de mon parcours. De l'enfance jalonée de préjugés et de sexisme ordinaire à la découverte de ma transidentité, je vous embarque à travers une partie de moi.

Ici, vous me connaissez comme l’un des créateurs des Insouciantes. Mais saviez-vous que j’étais transgenre ? Aujourd’hui, je reviens sur mon parcours atypique et le fait de découvrir être trans à plus de 30 ans !

Confusion transgenre | garçon manqué

Etre un enfant transgenre dans les années 90, c’était être taxé de garçon manqué. D’aussi loin que je me souvienne, c’est ce à quoi on m’assimilait à l’école, entres amis ou en famille. Étrangement, je ne le prenais jamais mal. À cette époque, j’étais un garçon manqué et espérais l’être pour toujours. J’étais très loin de savoir que l’on pouvait changer d’identité. Ma famille non plus. Il faut dire que dans les années 90, la transidentité était bien moins répandue.

La première fois que j’ai compris que les gens ne me concidéreraient pas comme un « vrai » garçon, j’avais entre 9 et 10 ans. Pour recontextualiser, je vivais en bord de mer. Je passais donc tous mes étés au club de plage en bas de chez moi. Matinées sportives – footing, cours de natation -. Après-midi activités de groupes, jeux, concours et baignades. Autant dire que je passais clairement plus de temps à la plage que chez moi. Le soir, mon père était même obligé de venir me chercher pour dîner sinon, j’aurais été capable de rester jusqu’à la tombée de la nuit. À cet âge, je ne portais qu’un slip de bain pour me baigner. Couplé à un short une fois hors de l’eau. J’étais donc constamment torse nu. Jusque là, cela ne semblait perturber personne.

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Photo d'archives personnelles

Début de la sexualisation

Un jour, un des animateurs du club de plage m’a pris à part et expliqué que quelqu’un s’était plaint. La raison ? J’étais une fille qui se trimballait les seins nus. Croyez-moi, à 9 ou 10 ans, j’étais bien loin d’avoir de la poitrine mais pour cette personne, c’était incorrect. J’ai donc été sommé de porter un t-shirt et, si possible, de trouver un maillot une ou deux pièces. À partir de cet instant, je n’ai plus tout à fait été le garçon manqué de la plage. 

En effet, même les parents qui n’avaient auparavant rien à me reprocher me voyaient désormais comme une fille. Ils faisaient alors attention au moindre de mes faits et gestes… Et même si les garçons avec qui je jouais ne faisaient aucune différence, si je pêchais, grimpais aux arbres,… les adultes commençaient à me lancer des remarques. Cela a été ma première expérience en tant que « fille ». En me disant que je n’avais pas autant de liberté que les garçons parce que je n’étais pas né dans le bon corps, j’ai ressenti de l’humiliation. Après ça, je ne suis pas certain de m’être représenté à la plage sans maillot de bain une pièce ou un t-shirt pour cacher mon corps.

Heureusement, mon père m’a toujours encouragé à faire ce que je voulais pour m’occuper. Mon éducation a toujours été proche de la nature. Je pouvais plonger la main sous un rocher et en ressortir des crabes sans peur. Si je me blessais régulièrement, cela me passais au-dessus de la tête. Quoi qu’en disent certains adultes qui auraient voulu que je change, je suis toujours resté fidèle à moi-même. Une gamine capable de fabriquer ses lignes de pêche elle-même. Celle qui ramassait du bois sur la plage pour en faire une cabane dans les bois. Mais aussi celle qui plongeait à l’eau si un ami avait besoin d’aide.

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Adolescence et harcèlement

De mal en pis, je n’ai plus supporté mon corps. Les aléas de la vie ont fait que j’ai dû changer de collège en fin de 6e. Dans ce nouvel établissement, j’ai subi une agression sexuelle de la part d’un camarade. La raison ? Il voulait me montrer que je n’étais pas un garçon. Que je ne pourrais jamais l’être et que ce corps féminin serait réduit à un trou au service de la gente masculine… C’est en tout cas ce que j’ai compris à l’époque.

Après cet événement, des rumeurs m’ont suivi tout le long de ma scolarité. J’étais continuellement harcelé car ce garçon disait aux autres que j’étais une « fille facile ». Je l’avoue, j’ai complètement dissocié pendant l’agression et la honte m’a fait taire. En revanche, ce à quoi je ne m’attendais pas, c’est qu’il recommence. Mais cette fois, je me suis débattu. En conséquence, il m’a fait vivre un enfer. 

Suite à cette récidive, j’ai parlé au personnel scolaire. Malheureusement, personne ne m’a cru. Leur « c’est un si gentil garçon, arrête de faire ton intéressant » résonne toujours en moi… Comment voulez-vous avoir confiance aux adultes du milieu scolaire après un tel traitement ? Tout ce dont j’ai eu droit fut de consumer ma honte dans le silence sans oser en parler à ma famille.

Du harcèlement aux problèmes psychologiques

Entre harcèlement scolaire et sexuel, j’ai pratiquement pris trente kilos en quelques mois. J’avais beau faire tout le sport que je voulais, je ne faisais que grossir à vue d’oeil. Bien sûr, j’ai détesté ce corps qui ajoutai une nouvelle raison à mon harcèlement scolaire. Plus mon corps se transformais, moins je supportais les regards dessus. Je ne supportais plus ne plus être semblable aux corps masculins. Je refusais tellement devenir cette adolescente qui semblait vouloir sortir de moi que ma puberté c’est mal passé. Mes cycles étaient complètement aléatoires. Et je ne vous cache pas que les longs mois aux abonnés absents étaient ceux ou j’étais le plus heureux. Néanmoins, ces irrégularités ont poussé mes parents à aller consulter.

Direction une diététicienne-endocrinologue. Une bonne chose selon mon père et moi qui souhaitions comprendre ce qui n’allait pas avec mon corps. Malheureusement, selon cette practicienne, être transgenre n’était pas une option. Après des prises de sang et un régime, elle a décidé de me proscrire de l’Androcur – médicament hormonal-. Evidemment, sans mon consentement. Je possédais un corps féminin, je devais donc avoir une puberté féminine. Ce que ne montrait pas mes analyses de sang. Car oui, mon taux de testostérone était bien plus haut.

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Guess what ? Ses régimes et son traitement n’ont rien changé. Je multipliais les sports et mon père suivait ses recommandations. Pourtant, rien n’a fonctionné. Logique, puisqu’il s’agissait d’un problème psychologique. Aspect qui n’a jamais été pris en considération. Selon elle, je ne faisais juste aucun effort. Pourtant, j’enchaînais entraînements et compétitions toutes les deux ou trois semaines. Bref, à ce moment, ma confiance avec le corps médicale commence à s’effriter.

Côté scolaire, j’ai réussi à avoir un bac pro en mécanique automobile. Comme quoi, le petit garçon n’est jamais loin malgré le désir des adultes de me transformer en « fille parfaite ». Cependant, après quatre ans de travail acharné, mon corps à dit stop et j’ai fait un burn-out. Je n’ai jamais plus voulu travailler dans un garage. Rien que l’idée me provoque encore des crises d’angoisses.

Découverte de la transidentité

Je ne sais plus comment j’ai découvert le monde de la transidentité. Était-ce un article ou une émission ? Une recherche internet ? Je ne sais plus du tout. Cependant, je me souviens qu’après avoir vu le terme « transgenre » j’ai parcourus internet pour en savoir plus. J’ai lu tout ce que je trouvais sur le sujet parce que je n’en croyais pas mes yeux. Je pouvais être l’homme que j’ai toujours voulu être. L’homme que je ressentais au fond de moi. C’était possible. En plus, il y avait une association portée sur la transidentité dans ma ville. Je me suis alors dit que toutes les étoiles étaient alignées pour moi.

Dès que j’ai abordé la dysphorie de genre avec ma psy, elle m’a orienté vers une réunion de l’association en question. En effet, elle n’avait aucune connaissance de cet univers et devait donc se renseigner. Durant la réunion, on m’a expliqué qu’ici, à Lille, il y existe un dispositif transidentité. N’ayant aucun moyen pécunier pour entamer ma transition, cela a calmé mes angoisses. On m’a également rassuré sur ma deuxième peur : était-il possible de commencer une transition à plus de 30 ans ? Oui ! Quelque soit l’âge d’ailleurs ! J’avais envie de pleurer. Je sentais être un garçon depuis aussi loin que je me souvienne, et là, on m’annonçait que j’allais enfin pouvoir l’être pleinement. 

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Ma transition

Une fois toutes les informations en main, j’ai décidé de débuter ma transition. Moins d’une semaine plus tard, je prenais rendez-vous avec un médecin trans-friendly. Celui-ci a immédiatement accepté un traitement hormonale masculinisant. Grâce à lui, j’ai également pu être recommandé au dispositif de transidentité de Lille. Mon parcours était donc officiellement lancé !

Côté coming-out, j’ai eu beaucoup de chance. Pour ma famille, il s’agissait d’une évidence. Ils ont donc été heureux d’apprendre qu’une telle chose existe. Bien que je les aient un peu aiguillé au début, ils ont continué à s’informer par eux-même. Concernant mon entourage, la nouvelle a aussi été bien prise et évidente pour certains. 

Côté administratif, ma transition c’est plutôt bien déroulé. En effet, il ne m’a fallu que quelques mois pour avoir des papiers avec ma nouvelle identité. Seul le changement de carte vitale à pris du temps. Heureusement, elle est enfin à jour depuis l’été 2021.

Concernant le côté médical, la pandémie a retardé beaucoup de choses. Ma torsoplastie – ou mastectomie – devait initialement avoir lieu le 17 mai 2021. Malheureusement, elle a été annulé quelques jours auparavant par l’équipe du bloc. Avec un chirurgien en arrêt maladie, toute reprogrammation était impossible. Heureusement, un nouveau chirurgien est entré dans la boucle. Croisez les doigts pour moi car mon opération est prévue pour le 4 mai 2022. 

Dans à peine un mois, je me réveillerais avec mon nouveau torse. Autant dire, le summum du bonheur ! En effet, j’ai beau porter des binders, ce n’est pas suffisant. Je ne compte plus le nombre de « Madame » lorsque je sors de chez moi. Bien sûr, chaque « Monsieur » exprimé à mon encontre est une victoire pour mon bien-être car je ne suis plus aujourd’hui un garçon manqué, juste un homme.

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Changer de genre à plus de 30 ans, c'est possible ! Et vous, quels sont vos parcours?

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