Josie Rourke offre une merveilleuse vision de As You Like It adaptée aux personnes sourdes et malentendantes !
Jusqu’au 28 janvier 2023, le Soho Place (Londres) accueille As You Like It. Habitués du West End, nous avons été surpris par l’inclusivité au sein de la pièce. De son casting LGBT friendly à une adaptation pensée pour les personnes sourdes et malentendantes, Josie Rourke prouve que Shakespeare est accessible pour tous !
Une pièce adaptée aux sourds et malentendants
Cette version de As You Like It nous a agréablement surpris car elle est accessibles à tous. Chose que nous n’avions encore jamais expérimenté, et ce, que cela soit en France ou de l’autre côté de la Manche. Nous saluons donc cette superbe initiative de Josie Rourke qui montre que le théâtre ne doit pas faire preuve d’élitisme.
En franchissant les portes du Soho Place, nous nous apprêtons donc à assister à une performance unique en son genre. En effet, le site du théâtre prévenait en amont que Rose Ayling-Ellis et d’autres membres de l’équipe utiliseraient le BSL (Langue des Signes Britannique). Cette dernière étant elle-même sourde, nous avons été ravis de savoir que c’était à nous de nous adapter à elle et non l’inverse. D’ailleurs, la production a mis en place une performance entièrement en BSL le 26 janvier. Son succès est déjà garantie puisqu’elle est sold out.
De plus, afin d’offrir la meilleure expérience possible, des écrans ont été disposés au quatre coins du Soho Place. Ainsi, il est possible de suivre le texte et les paroles des diverses chansons tout au long de la performance. Ne maîtrisant pas le BSL, nous nous sommes donc reportés à eux afin de comprendre le texte de Rose.
Par ailleurs, en tant que français assistant pour la première fois à un Shakespeare dans sa langue natale, ces écrans nous ont été bien utiles. Et oui, comprendre le texte en français est une chose, mais l’entendre en anglais Elizabéthain en est une autre. Grâce à eux, nous avons donc pu comprendre l’entièreté de la pièce sans souci.
Un casting inclusif
Autre bon point de As You Like It : son casting. Et on commence par Rose Ayling-Ellis ! Cette actrice sourde de naissance s’est fait connaître via le court-métrage primé de Ted Evans, The End. Elle a également gagné l’award du plus beau moment de l’année pour sa danse silencieuse avec son partenaire Giovanni Pernice dans le show Strictly Come Dancing. Bien sûr, Rose n’en est pas à sa première pièce puisqu’elle est passée par le Deafinitely Youth Theatre. Elle est également très appréciée en Grande Bretagne pour son envie de devenir un model pour les enfants déficients. Ce qu’elle n’avait pas elle-même durant son enfance. En interprétant le rôle de Célia, la cousine de Rosalind, Rose propose une performance éblouissante que nous ne sommes pas prêt d’oublier.
La question du genre étant au coeur de la pièce, le fait de mettre en avant des acteur•ice•s transgenre et non-binaire nous a paru complètement logique. En effet, après avoir été bannie par son oncle, Rosalind décide de se travestir en homme. Renommé Ganymede, cela lui permet ainsi de ne pas éveiller de soupçons au cours de son voyage. Dans ce cas, qui de mieux qu’une personne non-binaire pour tenir le rôle ? Et bien nous avons été servis puisque c’est vers Leah Harvey que s’est tourné l’équipe. Le Beau est quant à lui interprété par Cal Watson, eux aussi, non binaire. On retrouve également Mary Malone, qui est transgenre, dans le rôle de Phoebe.
Par ailleurs, des rôles originellement masculins sont interprétés par des femmes. Ainsi, l’excellente Martha Plimpton interprète Jaques, Allie Daniel prend les traits de Amiens et June Watson se glisse dans les costumes de Adam et Corin. Là encore, rien ne nous choque. En effet, il faut se rappeler qu’à l’époque où ces pièces ont été écrites, tous les rôles étaient interprétés par des hommes. Pourquoi l’inverse ne pourrait donc pas avoir lieu ?
As You Like It : Les performances
Côté acting, impossible de retenir le jeu d’une seule personne tant chacun fait briller l’autre. Bien sûr, on admet avoir eu un coup de coeur pour Rose Ayling-Ellis. Dans la peau de Célia, elle laisse transpirer toute l’innocence du personnage. Le fait qu’elle utilise le BSL plutôt que des mots rend également certains passages d’autant plus comiques. Par exemple, évoquant Cupidon, elle tire une flèche invisible dans le coeur de Rosalind. Ses expressions faciales laissent aussi paraître à merveille la palette de ses émotions. Une fois en scène, nos regards étaient incapables de se détacher d’elle. On espère donc que cette première réussie dans le West-End lui ouvrira de nombreuses portes.
Leah Harvey suit la même voie. En effet, si doté de parole, iels signent constamment et entre dans le jeu de Rose, rendant le duo aussi joyeux que candide. On se délecte alors de chacune de leurs apparitions promettant humour et tendresse. D’autant plus si iels sont accompagnées de Touchstone. Car si nous le savions maîtriser le phrasé Elizabétain à la perfection, Tom Mison (Sleepy Hollow, Watchmen) nous a subjugué par sa brillante interprétation de ce fou plein d’esprit. Avec lui, aucune chance de s’ennuyer durant 2h40.
Par ailleurs, l’alchimie entre Leah Harvey et Alfred Enoch (Murder, Harry Potter) est aussi forte que celle entre Harvey et Ayling-Ellis. La prestation d’Enoch nous a aussi ravi, Shakespeare coulant avec fluidité dans sa bouche. Quant à Martha Plimpton, nous avons littéralement bu la moindre de ses paroles. Notamment lors de l’un de nos passages favoris déclamant que « le monde entier est un théâtre, et tous, hommes et femmes, n’en sont que les acteurs« .
Seul bémol, des problèmes techniques ont eu lieu à deux reprises. Dès les premières scènes, la performance a notamment dû être arrêtée un certain temps en raison des écrans diffusant le texte. En effet, nous avons remarqué qu’ils ne défilaient pas de façon normale. Une fois le problème résolue, Josie Rourke est venue s’excuser en personne et le show à pu se poursuivre tranquillement. Enfin, jusqu’à ce que Rose Ayling-Ellis n’entre soudainement pas en scène peu avant la fin.
Cette fois-ci, Leah Harvey a dû sortir de scène, laissant Tom Mison seul en scène. Heureusement, parfaitement dans son rôle, l’acteur n’a pas hésité une seconde à amuser la galerie. Ainsi, il s’est retrouvé à lancer des blagues, enjoignant le public à lui répondre ou s’amusant de voir « un téléphone au milieu d’arbres ».
La musique au coeur du show
Évidemment, on ne peut pas évoquer As You Like It sans penser musique. Dès notre entrée dans l’auditorium, nous faisons face à un piano sur lequel réside un costume et une collerette. Nul doute qu’elle fera donc partie intégrante de la performance.
Une fois la lumière abaissée, c’est le compositeur et pianiste Michael Bruce qui entre seul en scène. S’approchant du piano, il joue quelques notes avant de laisser glisser ses doigts sur ses touches pour un délicieux moment musical. Moment retranscrit sur les écrans via des notes y jaillissant. Une fois son costume enfilé, c’est au tour de Martha Plimpton de faire son apparition. Tout de noir vêtue, elle est somptueuse. Tout comme sa voix qui nous donne immédiatement des frissons. Alors qu’elle prend la lumière, d’autres, tapis dans l’ombre, attendent leur tour, sublimant le moment par leurs choeurs. Puis, tous gagnent la scène, se présentant à nous de la plus belle des manières.
Tout au long de la pièce, alors que les acteurs déclament leurs répliques, Michael Bruce les accompagne de thèmes créés pour l’occasion. Un pour l’amour. L’autre pour la tristesse. Sans oublier les instants plus drôles ou la Forêt des Ardennes. Même son piano se couvre de feuilles afin de lui donner l’impression d’être au beau milieu de la forêt. Ainsi fondu dans le décor, les personnages interagissent sans peine avec lui. Tantôt, réclamant un air, ou au contraire, le stoppant. D’autres se permettent d’interagir directement avec en jouant quelques notes. Ou en détournant son utilisation en percussions. Autant de détails qui font que nous avons adoré la façon dont la musique est intimement liée aux actions et paroles des personnages.
Enfin, ces moments musicaux apportent une émotion différente passant de la joie à l’amour, sans oublier la tristesse. On salue notamment Shakira Moeladi dont la voix nous a ébloui. En revanche, encore quelques jours plus tard, impossible de nous débarrasser des airs de « Blow, blow, thou winter wind » et « It was a lover and his lass« .
Le Soho Place : un théâtre intimiste à découvrir
Nouveau venu dans le West End, le @SohoPlace a ouvert ses portes fin 2022. Il lui aura fallu 12 ans avant de voir le jour et ainsi devenir le premier théâtre à sortir de terre depuis 50 ans. D‘ailleurs, il a une sacré particularité. En effet, se trouvant au carrefour de Tottenham Court Road et Oxford Street, le bâtiment se situe juste au-dessus du métro. Ainsi, il a fallut faire preuve d’ingéniosité afin que les vibrations des trois lignes desservant Tottenham Court Road n’atteignent pas l’auditorium.
Par ailleurs, la propriétaire du théâtre, Nica Burns, a pris en compte les besoins des plus grands noms du théâtre. C’est pourquoi le @SohoPlace possède un auditorium flexible, une acoustique exceptionnelle ainsi qu’une véritable intimité entre le public et la scène. Et oui, en entrant dans ce théâtre, vous pourrez constater que le parterre possède seulement 6 rangs. Les deux derniers sont d’ailleurs rehaussés permettant d’avoir une vue parfaite sur toute la scène. Les deux balcons sont quant à eux dôtés de seulement deux rangs.
En plus de tout ça, ayant commandé nos places directement via le site du théâtre, nous avons eu la surprise de voir nos places au 2nd balcon être modifiées pour deux en parterre. Un changement dû au fait que notre séance était loin d’être complète. Ainsi, nous avons eu la chance de pouvoir bénéficier de places d’une valeur double à celle que nous avions acheté. Et pour cela, nous sommes très reconnaissants au @SohoPlace. En effet, si le théâtre ne possède que 602 places, se retrouver au plus près des comédiens rend l’expérience encore plus intimiste. Chose renforcée par le fait que tous entrent et sortent par les quatre coins de la pièce.
2023 commence de la plus belle des manières grâce à ce superbe show monté par Josie Rourke. Si vous avez l’occasion de vous rendre à Londres avant le 28 janvier, n’hésitez pas à booker vos places pour As You Like It. On vous promet, vous n’en sortirez pas déçus !
Et vous, aimez-vous Shakespeare ?
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